"Nosferatu" est l'un, pour ne pas dire le, chef d'oeuvre de l'Allemand Murneau, un talentueux maitre du cinéma expressionniste du début du XXe siècle, qui créa d'une certaine manière le genre horrifique.
Je crois que l’affiche du film est plus effrayante que le film lui-même. Le classement de l’œuvre dans le genre épouvante-horreur avait peut-être une quelconque légitimité en 1922, mais aujourd’hui il faut admettre que sa capacité à effrayer s’est beaucoup tarie. La production ayant affreusement vieilli, il nous faudra beaucoup d'imagination pour éprouver la moindre crainte. Par ailleurs, Nosferatu nous apparait bien plus drôle qu’effrayant, avec ses mimiques et ses attitudes grotesques. Il me parait donc nécessaire d'aborder le film davantage d'une manière instructive, comme un objet de curiosité, plus que comme un objet de divertissement.
L’histoire, qui est très largement inspirée de « Dracula » (on peut même dire qu'il s'agit d'un Dracula qui n'en porte pas le nom), trouve son intérêt dans une comparaison avec les ravages engendrés par la peste noire. Nosferatu, qui aura bien du mal à nous épouvanter en tant que vampire, saura tout de même capter notre attention en répandant l’épidémie dans son sillage. Il n’est pas vraiment terrifiant dans son identité visuelle, mais le mal qu’il porte avec lui apparait comme une menace bien plus sérieuse et saura créer l’intensité dramatique.
Je n’ai pas aimé le jeu des acteurs, car je les ai trouvés dans l’exagération et je n'ai pas su les prendre au sérieux une seule seconde. Le rythme est laborieux, je me suis ennuyé par moment, et j'aurais même pu m'endormir pour tout vous dire si je n'y avais pas mis un peu de bonne volonté. Le montage du film n’est pas exceptionnel à cause notamment de plans mort qui s’éternisent parfois lorsque les personnages sortent du cadre, et des saccades temporelles dans certaines séquences. La technique des effets spéciaux en stop-motion me parait à ses balbutiements, si ce n’est pas le cas, alors le résultat est à considérer comme un grossier défaut, mais comme je crois qu'en 1922 la technique était quelque chose d'innovant, je préfère parler de qualité, en dépit du piètre résultat.
L’ambiance de l’œuvre est très satisfaisante, l’intrigue est bien développée, avec des images et des comparaisons intelligentes. Si on le considère comme l’un des premiers films horrifiques du cinéma, il apparait comme largement novateur. Les silhouettes en ombres portées sur les murs, ainsi que la main d’ombre qui saisit le cœur de la jeune femme, sont des idées merveilleuses. Ses scènes sont clairement les plus réussies et les plus ingénieuses de la production.
J’ai apprécié l'oeuvre pour son âme et son audace, mais pas en tant que divertisssment, ni pour sa capacité à effrayer. Toutefois, le thème de la peste noire apporte une belle profondeur au récit et nous permet d’aborder de façon simple la menace de Nosferatu. La musique est remarquable, malgré le fait que ses thèmes se ressemblent trop et se répètent en boucle. L’œuvre mérite amplement sa place parmi les plus grands chefs d’œuvre du cinéma et, bien sûr, il faut absolument l’avoir vue au moins une fois dans sa vie, ne serait-ce que pour apprécier tous les aspects précurseurs du genre. Mais je n'irais pas jusqu'à dire que vous vous éclaterez en le visionnant.