Les drames bourgeois, très peu pour lui, ce qui meut Jean-Jacques Annaud, à 38 ans (La guerre du feu) ou à 78 (Notre-Dame brûle), c'est une certaine idée du spectaculaire, qui ne néglige pas pour autant l'humain. Son dernier film tente à sa manière de réconcilier Méliès et les frères Lumière : c'est une entreprise pyrotechnique mais c'est aussi un reportage a posteriori d'un événement qui a glacé les esprits, tout du moins à ceux qui accordent à la cathédrale parisienne une valeur amoureuse qui dépasse de loin celle de simple patrimoine religieux. Notre-Drame de Paris avait titré Libération au lendemain du déclenchement de l'incendie : le 'Notre" est essentiel et ce sentiment, le long-métrage le traduit intensément dans un sauvetage désespéré dont nul n'ignore l'issue mais pour lequel Annaud trouve tout de même des ressorts de thriller ardent. Dans le feu de l'action, le film répond globalement aux espérances, précis sur le plan documentaire, mesuré dans le lyrisme y compris lorsqu'il s'agit de rendre hommage au chœur des pompiers, ironique sur quelques aspects purement parisiens. Que l'aspect de fiction soit réduit à quelques passages anecdotiques, voire comiques (?), n'est en soi fondamentalement pas gênant, moins peut-être que l'insistance sur les contrechamps religieux (paradoxal, alors que Annaud se déclare athée) mais il s'agit sans doute de ne pas braquer le public catholique, ne nous offusquons pas. Même si quelques petites choses agacent par ci par là, la vraie question mérite d'être posée : quel cinéaste français autre que Annaud aurait eu les gargouilles de s'attaquer à un sujet aussi ambitieux sans crainte de se brûler les ailes, voire de plonger dans le ridicule ? On peut penser ce que l'on veut du réalisateur du Nom de la rose et de Notre-Dame brûle mais il a toujours manifesté une audace qui fait singulièrement défaut à la majeure partie de ses confrères. Et sinon, toujours pas de drame bourgeois en vue ?