Avec Hallelujah (King Vidor, 1929), Le Champion (King Vidor, 1931), L'Ennemi public (William Wellman, 1931), Les enfants de la crise (William Wellman, 1933), Héros à vendre (William Wellman, 1933), Scarface (Howard Hawks, 1933), Le Petit César (Mervyn LeRoy, 1930), Je suis un évadé (Mervyn LeRoy, 1932), Les Anges aux figures sales (Michal Curtiz, 1938) et Les Raisisn de la colère (John Ford, 1940), Notre pain quotidien fait partie de ces quelques films à voir absolument quand on veut voir la vraie Amérique des années 30, celle de la dépression, sous l’œil du cinéma parlant.
Le cinéma social est rare lors de la Grande Dépression (enfin les bons films du moins), et on le pardonne, il fallait du divertissement, c'est aussi ça le témoignage de la dépression. Notre pain quotidien est propre à ces autres films cités, comme ayant un regard, un regard honnête, loin de tout manichéisme, sur la société, sur les "déshérités". Mais ce qui est singulier chez le film de Vidor, ce scientiste qui a toujours voulu montrer dans ses films "l'espérance et la fois, faire des films qui présenteraient des idées positives et une forme d'idéal...", c'est qu'il reste dans le schéma classique des films de l'époque, sur ce dont on avait tant besoin, la happy-end. Mais alors que dans d'autres films, comme Le Poison (Billy Wilder, 1945), la fin heureuse tombait mal avec tous les éléments posés, chez Vidor, la fin est dans la continuité des éléments posés, cet espoir, cette fraternité, cet esprit unanime, ce bien commun, la terre. La fin est unique en son genre. Elle garde la partition grandiloquente qu'on retrouve dans les fins heureuses et légères, mais cette fois pour accompagner un élément simple : l'eau, la terre, le travail, le sens de la communauté. Non, ce film a été rejeté par Moscou (autant que par les producteurs) ainsi que par certains journaux marxistes. Une fin orchestrée par le labourage de la terre et l'arrivée d'eau, c'est pas magnifique dans un film américain ? Dans ce sens, on peut dire que l''intrigue repose sur un champs de maïs irrigué.
Alors le film est réjouissant. Ca présente une utopie qui naît en dehors de toute urbanisation - et donc de la dépression -, par ces mêmes chômeurs de la ville, qui créent une coopérative, une micro-société, régie par le troc et non par l'argent. Une solution. Sauf qu'on se rend compte que c'est pas possible, qu'on est dépendant du reste de la société, qui elle, fonctionne à l'argent, et on doit donc retourner à l'argent. Et quand les choses vont mal, on tourne le dos à celui qui représente l'ordre et la raison. Donc cette utopie, c'est l'histoire de l'humanité, avec tout ce qu'il y a de bon et de mauvais. Mais c'est un film optimiste puisqu'il met en scène des hommes qui ont le sens de la fraternité, du partage, de la foi. C'est donc paradoxalement un film populaire, qui n'est pas du divertissement.
Un film historiquement indispensable pour quiconque s'intéresse à l'art des années 30, au cinéma d'auteur, à l'histoire du cinéma américain, au communisme à hollywood.