1949, année qui a tragiquement vu partir Cerdan, a aussi accouché de deux œuvres cramponnant assurément la boxe au septième Art, sept années après le fulgurant Gentlemen Jim. Champion de Mark Robson, avec Kirk Douglas à la pesée, montrait le destin d’un boxeur obstiné avec une note tragique et réaliste. The Set-Up (Nous avons gagné ce soir) de Robert Wise révèle ici avec pragmatisme tout le potentiel filmique de cette association. Il faut dire que le sport s’y prête : agressivité, persévérance, lutte et vélocité traduisent instantanément à la caméra un dynamisme narratif et technique rare. Wise nous fait passer une bonne heure en temps réel (cf liste de Théloma : http://www.senscritique.com/liste/Films_en_temps_reel/1102298 ) en compagnie d’un boxeur en fin de carrière, Bill «Stoker» Thompson. Son combat du soir a été arrangé et Stoker doit se coucher après deux rounds. Les vendeurs de journaux piaillent sur les trottoirs, Bill quitte sa femme et sa chambre d’hôtel et rejoint la noirceur nébuleuse qui nous engouffre dans un vestiaire. L’espace est restreint, suintant et fiévreux. Stock' se déshabille pendant que les combats s’enchaînent, certains se préparent encore pendant que d’autres reviennent KO. Puis c’est au tour de l'ancien. Face au ring, le public paraît très hétérogène, du glouton à l’appétit insatiable à la femme d’âge mûr clamant des "kill him!". Stoker décide dans un ultime sursaut d'orgueil de faire plier le combat et refuse de céder à la corruption. L’identité visuelle et contextuelle de The Set-Up emprunte nettement aux standards du film noir : plans obscurs et confinés, chape de plomb sur le héros esquinté et escouade de la pègre. Sauf que ce soir-là, le public vite sauvé et la victoire aux oubliettes, nous assistons à la grâce usée d’un homme : l’œuvre, brute et authentique, confère ipso facto à deux Arts leurs lettres de noblesse.