L'évanouissement du Cinéma français, une assertion aussi vraie que fausse si l'on s'en tient au discours du spectateur lambda. La production hexagonale survit aisément entre sa couche humoristiquement graisseuse et ses petites cellules grises. Au milieu de la tête et de l'embonpoint, Cédric Jiménez vise le cœur avec les mêmes convictions que ses aînés. Pour preuve, dans l'un des bureaux de l'anti-terrorisme de Novembre, l'affiche floutée de Trois hommes à abattre de Jacques Deray écrasée par l'absence de profondeur de champ interpelle autant qu'elle brouille les pistes. Plus à même d'illustrer La French puisqu'elle en reprend la scène du tueur à moto dans l'un de ses instants clefs, sa présence parvient en quelques secondes à irriguer sa fougueuse passion du polar d'antan. Difficile de repousser d'un revers de main ce qui a probablement influencé/passionné le réalisateur de Bac Nord au cours sa carrière : Les Verneuil, Melville et le Carpenter de Assaut (plus dans l'esprit que par citation littérale) ont tous l'air d'être planqués aux quatre coins de l'écran. La physicalité des formes est loin d'être identique alors que L'ADN s'apparente bien à ce cinéma populaire sensible à toutes classes sociales confondues. Ainsi Novembre remet l'église au centre du village dans sa fonction d'entertainment intransigeant ne laissant jamais de brèches à colmater par une quelconque polémique à sens unique. Passé par la vulgarisation des faits par voies cinématographiques, Bac Nord fut brocarder puis convertit en tract de droite alors que sa nature embrassait volontiers le genre. À l'heure d'un siècle tourner plus que jamais vers les réseaux sociaux et la communication, les gardes chiourmes l'emportaient sur le spectacle et Jiménez de croire que son film de cowboys et d'indiens pouvait s'affranchir d'une époque chauffée à blanc.
Novembre n'est pas la réponse toute faite à ceux ayant pris en grippe le précédent essai du réalisateur. L'approche semi-documentaire polarisée sur des longues focales et des caméras- épaule renforcent néanmoins l'antithèse visuelle et thématique de Bac Nord. L'ensemble des choix de réalisation participent à ne plus être un témoin passif des évènements mais un spectateur virtuel balloté dans l'œil du cyclone.Les comparaisons avec le style de Paul Greengrass et le Zero dark Thirty de Kathryn Bigelow établissent une classe similaire de films basée sur le chaos brut, l'aspect sensitif, l'immersion et l'apnée séquentielle. Novembre en possède tous les atouts effaçant encore un peu plus les circonvolutions scénaristiques qui ont pour dessein de ménager quelques soupapes de décompression. Il en résulte un objet d'ordre pratique, une équation visuelle à plusieurs inconnus dont le métrage se doit de remplir les blancs avec une poignée de pixels extraits de caméras de surveillance et de témoignages. Et Novembre de solliciter au spectateur sa vue et son ouïe avec pour objectif l'assemblage d'un puzzle virtuellement mortifère. Dans son projet de véracité des faits, Jiménez n'omet pas de concocter un cinéma dont les péripéties ne trahissent pas la crédulité de son spectateur. S'il est peu surprenant de le voir donner une leçon aux réalisateurs d'outre-manche, nous parlons ici d'interaction entre les séquences sur Paris et au Maroc sans avoir la sensation de pans d'action accolés en ellipses grossières (cf Fast & Furious), son film, plus encore que Bac Nord capte par de nombreux panoramiques l'effritement urbain, le pourrissement des quartiers où la population cosmopolite semble prisonnière de remparts écaillés d'un autre temps. Loin de son ludisme, de sa technique et de sa fonction d'amuseur de foules, Novembre photographie ce morceau de l'hexagone à l'instant T. S'il n'y a aucune place pour glisser un message politique, cette chasse à l'homme délivre un discours sous jacent sur la lutte des idéologies au sein de la République. Il n'existe plus alors de Jean Dujardin ni de Sandrine Kiberlain mais le miroir tendu d'une civilisation en chute libre.