Le succès de Bac Nord a permis à Cédric Jimenez de facilement financer son dernier long-métrage, mais aussi de laisser place à une similitude flagrante dans la mise en scène. A la différence que Novembre, bien qu'il ait quelques idées malheureusement jamais développées, est une tentative vaine de film d'action qui ne respire pas. Au lieu d'être en permanence sous tension, le spectateur s'ennuie.
Le film ne parvient jamais à créer une tension palpable malgré son sujet pourtant très récent, et qui nous touche particulièrement. Hormis cette sensation glauque de savoir que des terrorristes ont parcouru des routes et des endroits que les français connaissent maintenant par coeur, rien n'est particulièrement marquant dans la manière de filmer. Jimenez enchaîne les plans, les lieux, tout le temps en mouvement, très serrés sur les visages, et tente de jouer sur le montage pour rendre tout ça effrené, mais ça prend rarement. La faute à un scénario déjà très moyen, soutenu par des dialogues ridicules faussement réalistes, et surtout une direction d'acteur catastrophique. A part Anaïs Demoustier qui ne s'en sort pas trop mal dans sa sobriété (c'est d'ailleurs celle qui a le moins de répliques) tout le reste du casting cabotine. Jean Dujardin est parfois à la limite d'OSS 117, et joue une froideur qui n'est pas cohérente. Sandrine Kiberlain et Lyna Khoudri, deux actrices que j'aime beaucoup, sont ici complètement dépassées par la pauvreté de leurs répliques et leur jeu façon actor studio. Les scènes d'interrogatoire par exemple, sont particulièrement médiocres. Des champs conte champs toujours serrés, et un jeu qui cherche à en faire des caisses.
Je comprends l'intention de Jimenez. Son but n'est pas de prendre le temps, il ne cherche pas à installer une mise en scène plus calme pour parler de cette traque, il cherche à ce qu'on ne respire pas. C'est une intention tout à fait louable, et quand ça fonctionne bien, ça laisse le spectateur bouche bée à la fin du film (Vol 93 de Paul Greengrass reste pour moi un exemple parfait.) Mais ce n'est pas parce que tu enchaines pleins de plans et que tu fais hurler tes comédiens que ça a un impact : le silence dans les moments d'actions pur par exemple peuvent être infiniment plus efficaces en terme de stress et de tension. La scène de fusillade sur la porte en est un bel exemple : plutôt que de filmer de manière acharnée les armes qui tirent en gros plan, pourquoi ne pas basculer du coté des supérieurs qui sont dans l'attente ? La tension aurait été palpable. Mais non, le réalisateur préfère s'exciter sur des pan pan et ça plombe la peur que l'on est censé ressentir. Idem pour l'introduction. La course poursuite ne prend jamais car il est tout le temps dans cette volonté de mettre toujours plein de plans, même dans les moments d'attente. On a l'impression qu'il a peur que le spectateur s'ennuie.
Mais finalement, on s'ennuie parce que le film ne raconte rien et ne parvient pas à créer une tension. Jimenez ne sait pas faire un film qui serait irrespirable. On a plus l'impression d'avoir affaire à un reportage qui suit les responsables, et qui serait romancé par ses trop nombreuses discussions sans intérêt. En parlant du fait qu'il ne raconte rien, une fois de plus c'est dommage : dans Bac Nord, on pouvait lire un sous texte sur l'incapacité de la Bac à travailler correctement à cause d'une institution qui les pousse à bout (c'était pas forcément très poussé, mais il y avait un peu de ça), dans Novembre, on a quelques scènes qui mettent en avant le fait que toute la police est déboussolée, qu'elle a du mal à anticiper car c'est la première fois qu'elle vit un truc pareil, et surtout qu'elle foire des interventions en arrêtant des agents doubles de la DGSI. Ca, c'est intéressant ! Car ça permet de livrer un constat qui serait très amer pour le spectateur de se rendre compte qu'ils sont totalement paumés par la situation, aussi bien professionnellement qu'humainement.
Mais comme Jimenez ne cherche pas à raconter ça, il s'embourbe dans des filatures nulles, de l'action molle, et des scènes de dialogues mielleuses et parfois même incohérentes (les deux cousines qui hurlent et chouinent sur leur balcon tranquillou en train de parler des terrorristes.. bon.) Ces personnages ne sont que des ombres et encore une fois, le parti pris est louable, mais il faut savoir le faire et prendre une directive qui l'assume. Les scènes de téléphone sont aussi sans intérêt, entendre Dujardin dire "je t'embrasse fiston je dois raccrocher" ne va pas rajouter de l'empathie pour le personnage.. C'est presque du cas d'école..
Bref, Novembre sonne plus comme un Envoyé Spécial romancé d'une 1h30, et n'arrive jamais à créer une tension palpable malgré son parti pris esthétique.