Nuages d'été
7.7
Nuages d'été

Film de Mikio Naruse (1958)

Susceptible de le monter, je pense beaucoup au film depuis hier. Je me suis fait une reflexion à partir d'un point évoqué dans le livre de Jean Narboni sur Mikio Naruse, où à un moment il cite un gadjo qui parlait de mimesis pour Naruse, c'est à dire la reproduction du réel dans le film. J'aurai tendance à trouver que c'est vrai, mais qu'en fait c'est plus compliqué sah. Le but de naruse il me semble c'est quand même de réaliser des drames à partir de la vie, et pas bêtement de la copie. C'est pas tant transcrire le quotidien comme finalité, mais transcrire les drames du quotidien. Ainsi je pense qu'on pourrait plus parler de "mimesification" du drame que de mimesis à proprement parler comme pourraient le faire jsp Hong Sang Soo.


Mimesis DES drames surtout, celui là y échappe pas. Mimesis des drames parce que Naruse va rendre des intrigues individuelles qui auraient pu combler son film et va les abandonner volontairement, les laisser ses faire une vie en dehors de la caméra, pour les rattraper en cours de route et les relacher à nouveau, en fait jongler entre les intrigues pour donner comme je le dis h24 dans mes review une sorte de texture de réel, certes, mais alors surtout une réelle teneur des drames. C'est de l'impact dramatique en somme. Naruse rend ce qui font réellement les drames au gens, et nous le spectateur on est un peu les observateurs de tous ses petits drames qui se déroulent à l'échelle d'une famille, d'un restaurant etc. C'est du cinéma de personnages, du cinéma de réaction aux confrontations plus que de confrontations en tant que telles (par exemple il ne montre pas la scène d'amour mais montre le lendemain matin comment les personnages la perçoivent, magnifique scène s'il en est). Et comme ces drames ne sont pas mis en valeurs, et qu'ils déroulent petit à petit, s'éclaircissent entre les autres drames, bah ça devient assez puissant, parce tout est très vivants, et on croit à chaque ruptures sans que le maniérisme ne vienne appuyer l'ampleur de ces drames. L'ampleur se déploie d'elle même car ce sont de vrais drames justement, on peut nous les montrer de la manière la plus dépouillée possible ils restent ce qu'ils sont. Cezanne disait (l'idée est là j'ai pas la citation sous les yeux): "on peut modifier tant qu'on veut la forme, la substance elle reste unique et inaliénable dans sa vérité". Naruse choisit de livrer la substance comme elle est, et de tisser autour d'elle non pas une mise en valeur, mais une égalisation face aux autres, afin qu'elle avance dans le flot de la vie (du film donc) avec elles. C'est ce qui donne la force au personnages, ils ont chacun le droit à leur drame, leur douce amertume, ils ne sont pas des outils de mise en valeur.


J'ai toujours du mal à cerner en quoi je trouve ça si fort, certainement que j'ai l'impression de capter un drame réel et qui donc me touche plus, sans avoir l'impression de me faire couillonner par quelconque esbroufe qui essayerait de se jouer dieu des choses du film et donc réduirait l'immensité du réel que l'homme ne pas créer, mais seulement recréer selon sa sensibilité. L'impression de voir une retranscription des beautés observable et qui dans le flot de la vie ne sont pas discernable. Seul ce regard extérieur qu'est le film permet de les contempler dans toute leur intensité.


J'aime aussi pas mal comment le film représente la campagne. Il l'idéalise pas mais n'en fait pas un trou à rat dégoutant. La campagne est la campagne, elle est la campagne de ses drames comme la ville, et les personnages y évoluent sans l'émerveillement citadin de la nature. Ils connaissent l'endroit, ils y vivent, y travaillent durement, elle leur cause des tracas inconnus à la ville , qui créé une rapport plus austère des hommes entre eux, mais la vie continue, on se pardonne ou non. Je pense d'ailleurs qu'une des grosse différence entre Ozu et Naruse réside dans la non glorification de Naruse du paysage en tant que tel sans l'humain en son sein. Ca va en soit avec ce que Narboni dit dans son livre: Ozu est dans le réel-cérémonialisé (le réel sacré, loué) et Naruse dans le réel-naturel (la beauté réside dans le fait que justement ce réel ce déploie comme si de rien n'était, sans sacralisation, devant la caméra, et sa beauté immense s'y déploie).


Je pense que c'est un très grand film.

Abrom
9
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le 24 févr. 2023

Critique lue 15 fois

Abrom

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