Good or bad human being ?
(Critique de la première partie ; http://www.senscritique.com/film/Nymphomaniac_Volume_1/critique/15815297 )
Sans transition, sans introduction, sans rien, le début de cette seconde partie du film ultra-controversé de Lars von Trier nous remet directement dans le bain, même en ayant vu la première partie quasiment un mois avant. Certes, à ce moment-là, on sent bien que le film n'était à la base pas fait pour être charcuté en deux, mais qu'importe, ça ne pose pas plus de problème que ça, en tant que spectateur tout au moins.
Si le maître-mot de la première partie était clairement "nuance", celui de la seconde serait plutôt "rage", "obstination", "audace" ou encore "insolence". Là, von Trier fait clairement le film qu'il veut (quasiment "sans filtre" si je puis dire), et non celui qu'on aurait pu attendre qu'il fasse. En tout cas celui qu'on aurait pu attendre qu'il fasse avant d'avoir vu la première partie, parce que cette seconde partie n'est bel et bien qu'une suite logique.
Moins découpée que la première (5 chapitres dans le Volume 1 contre 3 chapitres dans le Volume 2... Oui, 5 et 3, ce sont bien ces fameux nombres, qu'il est malin le Larsou !), la seconde partie pourrait être vue comme étant la même que la précédente mais multipliée par 10. En effet, tout y est "plus" dans ce film. Les comparaisons et métaphores de Seligman sont passées de la surrexplication tirée par les cheveux à une présence farfelue, absurde voire ridicule mais totalement assumée, l'auto-critique/analyse de von Trier y est plus visible, plus poussée et donc plus amusante et, enfin, le réalisateur danois y montre plus de culot que jamais. Quelle n'est pas la réaction outrée du public quand von Trier auto-référence ultra grassement son Antichrist ! (Il y avait la même chose dans la première partie avec Melancholia, mais en un peu moins obvious tout de même.) Certes, il faut être extrêmement sûr de soi pour oser faire un truc pareil, mais ça rejoint selon moi l'idée que la provocation dans Nymphomaniac n'est pas là où on l'attends. On est beaucoup moins gênés quand Charlotte Gainsbourg se prends 40 coups de fouet par Jamie Bell jusqu'à en avoir les fesses en sang que quand Lars von Trier fait une auto-conversation sur le côté politiquement correct du mot "nègre" ou sur "les bons pédophiles qui ne passent pas à l'acte"... Sans doute des pistes de sujets de conversation pour sa prochaine conférence de presse à Cannes. Oui, en l'état ça peut être choquant, révoltant, douteux, tout ce qu'on voudra, mais c'est surtout très malin et bien trop appuyé pour que ce ne soit pas volontaire. Von Trier s'amuse clairement de ça et, avec un peu de chance, le spectateur éclairé s'en amusera également.
Je crois que c'était sur le commentaire audio de Melancholia que von Trier disait qu'aucun de ses films ne pourrait un jour se "terminer bien". Après l'éprouvante expérience que fut ce Nymphomaniac, c'est pourtant vers ce quoi il se dirige. Von Trier nous sort la totale ; rédemption, amitié, morale pompeuse sur l'égalité entre hommes et femmes... Et là, on pourrait presque parler de twist ending tant le revirement est à la fois total et inattendu. Après la débauche de bons sentiments, Lars von Trier redevient un pur Lars von Trier et crée cette fin d'un cynisme exacerbé, difficilement supportable pour nous, spectateurs qui nous sommes finalement attachés à ce "bad human being" qu'est Joe. On sort de la salle quasiment aussi sonné qu'à la sortie de la salle de Melancholia.
Il ne fait aucun doute que Nymphomaniac restera une oeuvre majeure dans la filmographie de von Trier. Il n'a peut-être pas réatteint le pur chef d'oeuvre comme c'était le cas avec Melancholia, mais a en tout cas su innover et proposer quelque chose d'inattendu. Il ne fait aucun doute que désormais chacun de ses films sera attendu au tournant (c'était sans doute déjà le cas mais encore plus après celui-ci) et qu'il continuera d'être autant haï qu'adulé.