Prendre une courtisane avant d'aller se coucher

Autant-Lara retrouve ses compères Aurenche et Bost une troisième fois pour s’attaquer cette fois à Feydeau, le pape du vaudeville boulevardier...

Avec une liberté de ton assez stupéfiante qui vaudra d’ailleurs au film d’être bloqué loin des reprises par des héritiers outrés et vindicatifs, le film ne nie absolument pas ses origines théâtrales, bien au contraire. Dans un mélange des genres à deux doigts du surréalisme, Autant-Lara fait virevolter sa caméra avec sa maîtrise habituelle entre l’histoire de la pièce et sa représentation elle-même, se jouant des décors comme des coulisses avec une évidence contagieuse et une élégance de chaque instant.

Ainsi, ce qui aurait pu n’être que la mise en scène un peu plate d’une comédie hystérique autour d’une cocotte entretenue à coups de quiproquos clinquants et de portes claquantes se transforme en petit délice jubilatoire qui préfigure les grands Ophuls ou le Renoir d’après-guerre.

Danielle Darrieux ressuscite dans le rôle-titre, aidée par un Jean Dessailly qui fait ce qu’il peut de ses faibles capacités et par un Carette paternel et complaisant comme une mère-maquerelle qui n’échappe malheureusement pas toujours à la pénibilité inhérente à ce genre de rôles…
Entre quelques longs gags lourdingues et deux ou trois jolies ellipses, on retiendra au moins la présence rafraîchissante de Robert Auboyneau en Adonis, le jeune frère valet de chambre, forcément reposante après les numéros épuisants des Altesses et généraux étrangers avec monocle et accent en prime et toute la brigade demi-mondaine bruyante et débottée.

La pièce originale a l’air tellement pénible qu’on regrette presque de ne pas la voir encore un peu plus rejetée au fond du décor comme un vil prétexte et c’est un vrai petit miracle accomplit par Autant-Lara que de rendre brillant un matériau aussi terne, de nous faire oublier les facilités d’usage pour ne garder que le charme capiteux des garçonnières encombrées et des fiacres hospitaliers.

Transformer du boulevard archi-convenu en petite perle d’originalité, c’était aussi ça, la qualité française, inutile de dire que les prompts détracteurs de la décennie qui suivra se révéleront bien incapables d’une telle prouesse…

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le 27 sept. 2013

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Torpenn

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