Cartes sur table, cela fait une bonne dizaine d'années que Nolan et l'auteur de ses lignes ont divorcés. "Interstellar" m'a laissé sur le côté, "Dunkerque" est l'une de mes pires séances et si "Tenet" donnait des signes encourageants, il restait très imparfait.
C'est donc une plaisante surprise pour moi que cet "Oppenheimer", faux biopic du père de la bombe A mais vraie réflexion humaniste sur les contradictions du génie scientifique.
Toujours adepte d'une chronologie morcelée et d'un montage au diapason d'un score pompier, Nolan choisit non pas de conter la vie (assez fade) de son héros éponyme mais l'avant, le pendant et l'après de son leg terrifiant à la postérité.
En cela, il évite avec soin les images d'archives, préférant laisser l'horreur hors-champ pour scruter le visage émacié d'un homme contradictoire. Un véritable Prométhée moderne, sorte de Steve Jobs avant l'heure brillant moins par ses connaissances scientifiques que par sa vision d'ensemble et ses manoeuvres politiciennes.
A l'instar de "JFK", Nolan s'intéresse moins à la bombe qu'aux ramifications et aux sous-intrigues entourant sa conception. Les causes et les effets donc comme si le script était lui-même émanation de la physique quantique avec des personnages électrons et des faits réactions.
La dernière heure est à ce titre d'une maestria absolue et la scène de fin, tétanisante, probablement l'un des plus grands coups de Nolan.
Si le film poursuit l'élégance froide et racée du réalisateur, n'attendez cependant pas de coups d'éclats visuels, y compris dans les scènes attendues tant "Oppenheimer" est un enchainement de rencontres et confrontations entre les protagonistes où le dialogue fait action et les silences sens.
Cillian Murphy est impérial, au moins autant que les 75 étoiles composant le reste du casting et le score de Ludwig Göransson épouse le crescendo du film et participe à sa réussite.