On respecte l'engouement généré par ce nouveau Christopher Nolan, comme tout avis bon à prendre (aussi : allez le voir, vous vous ferez le vôtre), mais pour notre part, cet Oppenheimer a été 3h de solitude mentale : on s'est plus qu'ennuyé (pour le dire poliment). Le montage nous a d'emblée mis à la porte du cinéma : un montage ultra-rapide (des plans très courts) dont les scènes ne se suivent pas (hop Oppenheimer fait du cheval 4 secondes, hop Oppenheimer est à un banquet 5 secondes, hop Oppenheimer est à l'université 10 secondes... "Hop, hop, hop, Oppenheimer !", Baz Luhrman approves.), sur un récit de 3h qui ne ratisse donc que la surface de son sujet, et s'appesantit sur des scènes de procès redondantes (et dont la raison donnée est encore une fois très approximative... On y reviendra). Oui, Cillian Murphy joue très bien, la musique est vraiment agréable (on n'a eu que ça pour patienter, au bout d'un moment), mais avez-vous compris pourquoi Oppenheimer donnait sa leçon sur la lumière avec cet air étonné (réponse : cela venait d'être théorisé par Einstein et démontré par Eddington, et cela passait encore pour un curieux objet d'études scientifique... Voilà pourquoi même l'étudiant tire cette tête de stupéfait), avez-vous compris quelle bombe il fabriquait (vous avez dit "la H ?" avec un doute ? Réponse : Non.), ou comment elle marche (il y a eu des ratés qui ont mis le projet entier en danger, à deux doigts d'être mis au placard, mais pour ça aussi : le film n'a pas le temps...), ou les troubles mentaux de Oppenheimer, ou d'où sort sa citation lors du climax... On ne ratisse que la surface, comme on l'a dit, et pour qui a un quelconque appétit de la science ou du beau biopic bien construit (ou juste des dialogues qui ne donnent pas envie de rire malgré eux), c'est la douche froide d'urgence du labo : Oppenheimer ne nous a rien donné à expérimenter, si ce n'est sa magnifique scène-climax de l'explosion qui prend en compte le décalage temporel du son et de l'image (donnant cette belle
scène muette
). Pour ce qui est de la caractérisation des personnages, c'est la catastrophe (atomique) : l'épouse est juste alcoolo (et comment le faire comprendre : elle est toujours hystéro, et le verre à la main, ah finesse...), le personnage de Rami Malek a 4 secondes de temps d'écran (sans dire un mot), puis 20 secondes (toujours muettes), et pourtant, il s'agit d'un Deus Ex Machina
qu'on sort du chapeau à la fin pour peser dans la balance du procès
(après qu'on s'est demandé qui il est, et ce qu'il fichait là pendant 2h30...), procès qui n'est d'ailleurs pas très honnêtement dépeint (Oppenheimer a été davantage poursuivit pour avoir refusé de créer une bombe H américaine pour répliquer à une récente création russe, que pour ses accointances communistes qui n'étaient qu'un prétexte...). Évidemment, un biopic cinématographique n'a pas vocation à être un documentaire, il se doit de résumer, romancer, divertir de façon pédagogique, mais Oppenheimer, s'il ne nous donne qu'un portrait simple du chercheur (principalement basé sur ses scrupules à tuer autant de gens), peine à divertir avec son montage hasardeux qui ne prend pas le temps (un comble, sur trois heures interminables) d'étayer ses sujets scientifiques pour le grand public (beaucoup de jargon pompeux destiné aux amateurs de sciences). Tandis que Robert Downey Jr. recycle son jeu de Good Night and Good Luck, et que Matt Damon est physiquement là, Cillian Murphy se donne vraiment du mal, de même que le compositeur de la musique, les deux seuls éléments qui nous ont maintenus dans notre siège, avec force pénibilité. La scène tant attendue reste tout de même un magnifique moment de cinéma (surtout en IMAX : on ne peut que vous le recommander, il a clairement été tourné à cette fin). Tant mieux si pour vous Oppenheimer a été l'explosion attendue (l'avis commun est dithyrambique à son sujet), mais pour les autres comme nous : allez plutôt voir le super documentaire L'Homme et la Bombe. On est ressortis en devenant l'anion parmi les cations : Oppenheimer a fait (ron)pschitt.