Un Nolan est toujours un évènement. Pour autant, n’étant pas un adepte du biopic, j’y suis allé avec méfiance.
On suit la vie de Robert Oppenheimer, physicien à la tête du projet Manhattan qui travaillait sur la première bombe atomique lors de la Seconde Guerre mondiale, avec le succès que l’on sait.
Trois actes. C’est ainsi que le film est construit. Le premier part des origines dans une longue suite de séquences alternant vie étudiante et vie personnelle en montrant l’obsession pour ce qui n’est pas visible et la curiosité intellectuelle du personnage. Ça file à toute allure dans un tourbillon d’images et de musique. Une exposition du décor très attrayante bien qu’un peu bruyante (la musique dont on peut saluer la qualité ne se tait jamais pendant cet acte). Acte II, le travail sur la bombe à Los Alamos. C’est de très loin la meilleure partie du film. Le suspens est bien mené et la complexité du personnage se fait jour par touches. On perçoit toutes les imprécations morales et politiques du projet. L’image est sublime, entre blancheur du soleil et grisaille du bâti. Pour l’acte III, nous voici après le succès de l’opération et c’est l’heure des règlements de compte lors d’un faux procès en plein délire maccarthyste. Si cette partie met bien en avant toute l’ambiguïté d’Oppenheimer, elle est aussi la plus lourde en palabres didactiques, se contentant souvent de commenter les évènements passés. Ce côté « film de procès » reste tout à fait intéressant mais on perd l’originalité du projet. Conclusion, images simplettes à l’appui, la bombe atomique, c’est dangereux. Il aura fallu trois heures pour en arriver là ? Et la touche nolanienne dans tout ça ? La thématique scientifique bien sûr, la volonté de contrôle de l’Homme sur des forces qui le dépassent, le personnage fracturé qui travaille sur la fission de l’atome et donc une approche multiscalaire, des effets visuels. Ces derniers sont très visibles et semblent parfois collés là mais ça vaudrait probablement le coup de se pencher sur leur signification. On saluera pour finir l’interprétation aux petits oignons, d’un Murphy toujours parfait jusqu’au moindre petit second rôle et les joutes verbales n’en sont que plus savoureuses.
En bref, ça reste un biopic et la narration nolanienne n’y pourra rien cette fois-ci. Pour autant, le film est intéressant de bout en bout. Ou plutôt, chaque partie est intéressante et c’est à se demander si on aurait pas préféré les voir dans des films différents quitte à mettre à nu l’ossature du projet. À tout le moins, on aurait ainsi évité le pavé de 3h.