Kubrick est de retour sur le plancher des vaches (où l'une d'entre elles était pressentie pour figurer à la BO qui a finalement bêtement refuser...). Orange Mécanique dès l'ouverture annonce, comme 2001, magistralement la couleur, rouge cette fois. Accompagné d'une musique non moins géniale, qui n'évoque plus une méditation métaphysique mais un monde glauque et malsain. La grande peinture contemplative laisse place à une peinture pop, étrange, nerveuse et jouissive d'un univers dégénéré.


La première heure est un concert complètement fou, comme si un orchestre en représentation dans une galerie d'art avait tout d'un coup basculé dans le punk rock le plus sauvage, provoquant ainsi une sorte de transe anarchique collective, amenant son lot de folies, d'excès et de jouissances. Dans cette partie, chaque décor, plan, morceau de musique même chaque nouvelle phrase t'embarque toujours un peu plus dans ce délire cinématographique fabuleux (ou plutôt anti-fabuleux).


Mais comme certains grands albums (disons Hot Rats de Frank Zappa pour en citer un) la face B est moins réussie, plus inégale dans l'inspiration. C'est plus frappant au revisionnage.
La qualité commence à baisser à partir du moment où Alex commence à suivre le traitement Ludovico et à l'image de la scène de la présentation des résultats sur scène, la démonstration s'étale un peu longuement, et parfois même lourdement.


La fin du chemin croix d'Alex (si j'ose dire:) dans la maison de l'écrivain est assez symptomatique des problèmes : c'est à la fois trop expédié (Alex qui chante "Singin' in the Rain" dans le bain de l'écrivain, c'est vraiment un truc de forceur) ça traîne en longueur (la scène qui suit, avec l'assiette de spaghetti et des verres de vin) et y'a des moments too much (entre les deux scènes, ce plan en contre-plongée de l'écrivain qui impressionne la première fois est finalement un peu ridicule) bref cette métamorphose en conte n'est pas sans douleurs. Tiens d'ailleurs ce qui suit c'est la résurrection si on poursuit la métaphore religieuse.


Sinon il y a évidement encore du bon dans cette deuxième moitié, citons arbitrairement le moment où Alex qui revient chez ses parents comme une fleur avec l'appui brillant de la chanson "I Want to Marry a Lighthouse Keeper" et moins arbitrairement le passage très symbolique où le ministre viens voir Alex à l'hôpital et lui donne la becquée, comme la violence sociale nourrit la violence individuelle.
(Une 2ème moitié mois réussie c'est aussi problème dont souffre aussi Full Metal Jacket dans mes souvenirs).


C'est vrai aussi que le film est attaché à une époque contrairement à, par exemple, ses voisins 2001 et Barry Lyndon, qui semble eux, totalement détaché du temps. Défaut ou charme supplémentaire, c'est selon les goûts, en tout cas cela confère au film une place détonante. Entre ces deux immenses tableaux que sont 2001 et Barry Lyndon, Orange Mécanique ne fait pas pâle figure, il sourit narquoisement. Et des trois, même si c'est sans doute le moins bon, c'est encore mon favori aujourd'hui.

Skizoidman
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le 18 avr. 2020

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