Co-production britannique et italienne sortie en 1977, Orca entendait clairement surfer sur l’immense succès des Dents de la Mer de Steven Spielberg (1975). Et pour se démarquer de ce qui deviendra la référence ultime du film de monstre aquatique, le producteur italien Dino de Laurentiis et le réalisateur britannique Michael Anderson décidèrent de voir plus grand et de carrément mettre en scène un orque mâle vengeur semant la destruction au sein d’un village de pêcheurs à Terre-Neuve. Et rien que le début du film nous prouve l’ambition de la production qui souhaitait clairement présenter la supériorité de sa créature en nous montrant un grand requin blanc se faire étriper par un orque.
Totalement fasciné par Les Dents de la Mer que je considère comme le meilleur film de requin du cinéma et l’un des meilleurs de son réalisateur, Orca de Michael Anderson a toujours su attiser ma curiosité que cela soit par son affiche, son concept d’orque tueur et le fait de se mettre dans cette lignée de films ayant été inspirés par Les Dents de la Mer. Peu mentionné parmi les œuvres cinématographiques mettant en scène un animal tueur qui ont marqué le grand public, je me devais donc de vérifier si Orca n’était pas une œuvre opportuniste voulant surfer sur le succès commercial des Dents de la Mer, ce que beaucoup de films ont fait sans jamais réussir à l’égaler. Et au final, je dois bien reconnaître qu’Orca n’est rien de cela même si nous sommes très loin de la qualité des Dents de la Mer que cela soit en terme d’histoire, de suspense, d’angoisse ou de mise en scène. Et s’il n’est pas aussi marquant et prenant, Orca se laisse tout de même gentiment regarder du fait de sa proposition finalement très différente du film de Spielberg.
En effet, là où Spielberg nous dépeignait un grand requin blanc comme une véritable machine à tuer venu uniquement pour son bon plaisir semer la terreur dans une petite station balnéaire, Orca s’oriente plus vers une histoire de vengeance et un affrontement entre un pêcheur et l’animal du titre. Une dimension fantastique peut se dégager du film avec cet orque mâle ressentant des émotions quasi humaines et désirant à tout prix se venger de l’homme qui a tué sa femelle, et enceinte par-dessus le marché ! Les choses sont donc totalement inversées par rapport aux Dents de la Mer puisque le spectateur se range du côté de l’animal, pour lequel il éprouve une certaine pitié, et désire le voir se venger du capitaine Nolan. Un postulat plutôt intéressant tant le film semblait au départ être une sorte de copié-collé de Jaws.
Après, le film n’est pas parfait bien évidemment. La mise en scène d’Anderson est relativement classique, aucune tension ne se dégage de son film, aucune peur liée aux profondeurs de l’océan, à l’invisible et à l’animal qui se cache dessous. Car là où le film de Spielberg était brillant, c’était justement dans le fait de ne pas montrer le requin au spectateur et de laisser la peur s’installer progressivement. Ici, Orca nous dévoile sous toutes les coutures, et ce dès le début, son orque vengeur et n’installe aucune tension lors de ses apparitions. Le film a cependant le mérite d’utiliser très peu d’animatroniques et de filmer de vrais orques sous l’eau, ce qui renforce un peu le « réalisme » du film, même si certains plans sont identiques.
Et forcément, impossible de ne pas retrouver des scènes faisant écho aux Dents de la Mer telle qu’une partie entière du film en pleine mer et consacrée à la chasse de l’animal par les personnages principaux ou encore un face à face entre le capitaine Nolan et l’orque qui rappelle énormément celui de Robert Shaw avec le squale du film de Spielberg. Étonnement, l’on rapproche énormément Orca aux Dents de la Mer de par ses similitudes et son évidente volonté de se mettre dans la lignée du film de Spielberg, mais le film d’Anderson serait plus une sorte d’hybride entre Moby Dick d’Herman Melville (pour l’obsession de l’orque et du capitaine, l’opposition entre l’homme et la bête, l’affrontement quasi mythologique, mais ici on en est loin) dans une ambiance à la Dents de la Mer (gros poisson qui mange des humains).
Porté par un charismatique Richard Harris et une Charlotte Rampling un peu fade, Orca est un film assez classique dans la forme et plutôt correct dans l’ensemble mais qui manque cruellement de tension et qui accuse son âge à certains endroits (décors, effets spéciaux, mise en scène). La jolie musique d’Ennio Morricone lui confère cependant une certaine mélancolie, ce qui permet au film d'Anderson de se détacher un peu de l’ombre indépassable de l’œuvre culte de Spielberg à laquelle il est et sera encore irrémédiablement rapproché.