Orfeu Negro, c'est la Palme d'Or 1959 du festival de Cannes... Un succès remporté sans sous-titres, parce que l'audience a été charmée par l'exotisme de l'histoire et n'a pas jugé bon de la vraiment comprendre. Du côté européen, on a salué l'audace d'un casting noir, tandis que les Brésiliens ont trouvé le film clivant et minimaliste.
Pourquoi je relate ces anecdotes avec amertume ? Parce que je ne cautionne pas une victoire festivalière si partiale. Bien des erreurs ont été commises sur le compte de l'exotisme, comme les extras qui sont poussés mille fois au-delà de leurs capacités d'acteurs pour le dit de faire une scène parlante. Heureusement, tout ne va pas jusqu'au documentaire. C'est orienté documentaire en revanche, et rien que ça, c'est dommage ; j'ai trop souvent eu l'impression qu'on filmait le Brésil pour ce qu'il avait de plus intéressant pour les Européens... d'ailleurs, où sont les populations blanches de ce pays tellement cosmopolite ? Pourquoi la caméra ne visite-t-elle que les favelas ? De là à croire que Camus a obtenu la Palme à la démagogie, il n'y a qu'un pas.
Mais assez d'amertume. Le travail fait sur le film ne suffit peut-être pas à rendre les chansons agréables (et puis qu'est-ce que c'est que ce fond sonore musical constant et sans variations ?), mais il arrive à faire prendre un temps d'avance énorme. 1959, vraiment ? On pourrait se croire dix ans plus tard, d'autant que la révolution culturelle de 1968 ne se serait pas encore fait sentir. Le film veut nous faire croire que les Brésiliens sont tous artistes, mais il arrive à donner une vision assez juste de la présence de la danse et de la chanson à travers le carnaval de Rio, surtout grâce aux enfants qui, sans avoir à pâlir de leur prestation d'acteurs, ont été choisis pour leur talent dans ces deux domaines ; la prosélytisation culturelle ira se faire voir pour le coup, car c'est intéressant et bien montré. Mais on notera que j'en fais un commentaire comme d'un documentaire, pas d'une œuvre d'art.
Au final, un film que je critique plus pour son histoire et le contexte de sa genèse que pour sa conception objective. Mais j'ai eu du mal à éprouver du plaisir devant, même avant d'élever ces griefs ; la musique est très répétitive, mal gérée (on reparle de ce fond sonore horripilant ?) et la fin part un peu dans le n'importe quoi, s'enterrant mollement dans les rues de Rio qu'elle est si impatiente de montrer, sans parvenir à échaufauder la grande peine d'Orphée.
Quantième Art