C'est en entamant à nouveau la série de jeux Yakuza sur PC que j'ai eu cette envie de me replonger dans un Yakuza Eiga, si possible moderne, tentant de retrouver le charme des jeux sans toucher à la manette. On notera qu'il s'agit là d'une critique des deux premiers Outrage, et j'espère avoir le courage d'aller jusqu'au troisième, histoire de boucler la boucle. Je me permets de les rassembler car ils souffrent des mêmes défauts et pourraient se regarder comme un seul métrage.
Outrage n'aura qu'un mérite, c'est celui d'être au moins intéressant en tant que proposition filmique. On lui accordera ce crédit, car connaissant les oeuvres de Kitano, on comprend que tout (ce qui ne va pas à mes yeux) est voulu, et qu'il ne s'agit pas d'un ratage accidentel.
Le film est d'une froideur telle qu'on pourrait soupçonner Kitano de vouloir faire dans le docu fiction. Quasiment pas de musique, pas de moments chargés en émotions, pas de héros, ni même d'antihéros. Le problème étant que cela demeure pourtant trop stylisé (et conjointement pas assez) pour prétendre à la depiction authentique de la mafia japonaise, et c'est surtout complètement irréel. Il suffit de regarder le nombre d'homicides annuel par arme à feu au Japon (3 en de 1990 à 2000 par exemple) pour comprendre qu'Outrage est bel et bien une oeuvre de fiction qui romance l'univers yakuza.
Encore une fois on peut saluer la proposition en ce sens qu'elle est vraiment inhabituelle. On se cantonne dans Outrage à montrer les intrigues de pouvoir et de trahison, avec une froideur incroyable. Ces intrigues sont bien ficelées, et quand on connaît, ne serait-ce qu'un peu les lois et codes tacites régnants au sein de la mafia japonaise, on peut clairement dire que c'est réussi.
Le problème ? Bien c'est qu'on se fait chier, et qu'au delà de pouvoir saluer la forme atypique du projet, même le spectateur le plus solide et patient aura du mal à s'impliquer. Il n'y a aucun personnage à qui s'identifier, ce sont littéralement tous des ordures et ils sont montrés exclusivement dans leur univers, en train de parler de pognon ou d'aller régler son compte à un tel ou un autre, comme si rien d'autre n'existait, et cela rend les protagonistes sans humanité aucune.
Les règlements de compte se succèdent, mais ils sont montrés façon Kitano, avec cette violence froide dont il est coutumier. Le problème ici étant que tout ce qui fait habituellement le sel et le charme de son cinéma manque à l'appel, et il ne reste que la mauvaise partie si j'ose dire.
Là où il a su insuffler dans d'autres oeuvres, des émotions denses au milieu de cette violence morgue, en humanisant subtilement ses personnages (même les pires) et avec l'aide non négligeable (j'insiste fort) de la musique de Joe Hisaishi, ici il nous propose uniquement le côté austère de son cinéma et on regrettera peut-être, une stylisation un peu plus prononcée du milieu yakuza, sans aller forcément jusqu'à la grandiloquence des jeux sus-évoqués.
Et puis il y a que des couilles là-dedans, la vache, il n'y a absolument AUCUN personnage féminin. Non pas que le manque de diversité me chagrine (je ne rentrerai pas dans ce sujet), mais c'est qu'à force on finit par vraiment s'emmerder à regarder ces mecs se gueuler dessus et se foutre des gnons, sans qu'on puisse valider ou s'impliquer dans les raisons qui les poussent à cela.
Ce ne serait pas Kitano, ce ne serait pas japonais, ce serait probablement extrêmement mauvais, même si c'est techniquement (scénario, cadrage et acting) plutôt solide.
En fait, on se dit que c'est un film de yakuza uniquement destiné à un public yakuza, qui est prêt à se faire chier devant.