Dix ans après son escapade aux États-Unis avec son Aniki, Takeshi Kitano retourne aux affaires Yakuzas avec cet Outrage en forme de boutade détonante sur l'univers des gangsters tatoués.
Il fait exploser la violence dans un jeu de massacre mettant en évidence l'absurdité d'un univers où la vie humaine tient à une boule qui tourne sur un jeu de roulette.
Le mauvais numéro est on finit avec une balle dans la tête. Avec un style plus du tout axé sur l’introspection par l'image figée et ces effets contemplatifs mettant en évidence l'absurdité des actes, il emploie une manière beaucoup plus linéaire suivant le déroulement de son schéma narratifs. On a presque parfois l'impression de ne pas être dans un film de Kitano. Pourtant, la violence outrancière et ce rapport quasi masochiste à l'effet qu'elle produit, nous rappelle que l'est dans son univers fait de grands enfants qui se massacrent comme on s'amuse. La notion de jeu est donc une nouvelle fois présente dans Outrage, l'effet domino découlant d'une logique de tête qui tombent les unes après les autres de sorte que l'on finit par ne plus savoir qui sera le prochain, remplaçant les jeux de plage de Sonatine et Jugatsu.
Presque sobre dans sa manière de mettre en scène, il va même jusqu'à utiliser des effets de style musicaux pour accentuer son propos, chose peu courante chez cet auteur, Kitano fait exploser la violence avec un maniérisme propre à son cinéma, la fulgurance des scènes de mise à mort, les outrances sanguinolentes, "l'originalité" et la diversité des scènes de massacre : ici une baguette qui va crever un tympan, là une roulette de dentiste qui sert d'instrument de torture buccale, un lynchage en voiture peu courant. Autant de "raffinements" dans les mises à mort qui accentuent l'absurdité de ce monde de brutes dévouées à des valeurs rétrogrades.
On peut reprocher à Kitano une sorte de laisser-aller narratif se contentant d'empiler les scènes de joyeux massacres sans réel fil conducteur, n'utilisant ici même plus de son style contemplatif en forme de pause grossière entre deux scènes de torture ou de mise à mort. Malgré ce parti pris assez surprenant de la part de cet auteur au style unique, l'impact de son cinéma fait toujours mouche et on en redemande. C'est dans ce domaine qu'un film de Kitano touche à quelque chose d'exceptionnel, une sorte de gourmandise outrancière qui ne se prend au final pas vraiment au sérieux.
Outrage souffre d'un manque de cohérence linéaire, on finit par ne plus savoir qui va tuer qui, mais donne toujours autant de plaisir avec ce regard ironique, cette peinture cruelle et sarcastique d'un univers de mort trivial et absurde.