Bien curieuse impression que celle ressentie devant « Paradis pour tous » : d'un côté, voir le cinéma français s'essayer quasiment à la science-fiction, c'est rare et vraiment à souligner, surtout lorsqu'il le fait avec un certain mordant, voire un réel cynisme. L'air de rien, ce ton très pince-sans-rire, comme si ce qu'on nous racontait était parfaitement normal, je le trouve étonnant et finalement bien adapté à ce « bonheur » nous faisant ignorer quasiment tout autour de nous.
Très intéressant, aussi, de montrer que le fait d'être heureux ne rend pas pour autant sympathique, au contraire : Alain Durieux devient après sa « transformation » un vrai salaud, prêt à absolument tout pour atteindre ses objectifs personnels et professionnels, mais toujours avec le sourire, le choix de Patrick Dewaere (dont ce sera, hélas, le dernier rôle) se révélant particulièrement judicieux.
Pourtant, j'avoue ne pas avoir accroché plus que ça, au point de songer à lui mettre la note inférieure. D'abord, alors que le film semble se diriger vers une critique sans concession des assurances, on s'en éloigne rapidement pour n'y revenir que par à-coups, même si les passages en question sont souvent savoureux.
Dommage également que cette question de la « joie forcée » soit surtout traité dans le dernier tiers, le récit manquant jusqu'alors pas mal de densité, heureusement compensé par la présence et la sensualité insensée de Stéphane Audran
(disparaissant un peu trop vite à mon sens).
Impression confortée par des scènes et allusions sexuelles souvent dispensables, voire légèrement voyeuristes.
Reste donc cette réflexion assez provocante et souvent très pertinente sur l'humain, cette recherche éperdue (ou pas !) du bonheur comme synonyme de réussite bien plus que de bonté ayant de quoi interroger sur notre nature profonde et nos aspirations : Alain Jessua, réalisateur méritant sans doute que l'on s'y (ré)intéresse de plus près.