C'est-à-dire "Vers de nouveaux rivages" qui est le vrai titre original de ce film de Douglas Sirk sorti en Allemagne en 1937 aux studios UFA.

Je trouve que le titre original donne une plus grande dimension, une ouverture que le titre "Paramatta", qui se contente d'enfermer le film sur le bagne. Était-ce alors plus vendeur ? J'en doute un peu.

En effet, le film se déroule en trois parties qu'on pourrait nommer "À Londres", "Au bagne", "En Australie". Mais on peut aussi traduire ces trois parties par la faute, la punition et la rédemption pour coller un peu plus au scénario.

Le film est un mélodrame musical qui met en scène Gloria, une chanteuse de cabaret à Londres (Zarah Leander) et Albert, un homme, un gandin, un aristocrate joueur, décadent et fauché. Le malheur est que Gloria aime Albert et endosse un faux en écriture qu'a fait Albert avant de partir pour un nouveau poste en Australie. D'où la faute puis la condamnation au bagne de Paramatta, justement en Australie, etc …

En termes de mise en scène, on sent que le film est fait avec peu de moyens. Malgré ça, on y trouve des scènes très belles comme la même chanson chantée dans le cabaret londonien de façon sensuelle et provoquante puis chantée à la fin dans un registre complètement désespéré. D'ailleurs, tout le film est bâti sur des contrastes entre les personnages et les classes sociales. Sirk oppose la société aisée et oisive à Londres aux femmes condamnées et expédiées au bagne en Australie (avec la possibilité d'échapper à leur condamnation si elles se marient pour peupler l'Australie) et à la population laborieuse et honnête des colons. Les chansons et leur tonalité évoluent tout au long du film évoluant d'un registre gai et insouciant vers des tonalités beaucoup plus graves et mélancoliques.

Spoiler : sauf à la toute fin où la rédemption est acquise lors du happy end (que je ne détaillerai pas) sous un "Gloria" chanté par un chœur d'enfants qui fait écho au prénom du personnage … C'est beau, même pour un vieux machin comme moi …

Mais c'est surtout Zarah Leander, dans le rôle de Gloria, qui est la clé du succès du film. Actrice et chanteuse d'opérettes d'origine suédoise qui s'installe à Vienne puis à Berlin dès 1933 bien que n'adhérant pas à l'idéologie nazie. D'ailleurs elle retournera en Suède dès 1942. En 1937, elle intègre la UFA et remporte d'entrée un très grand succès avec le film de Sirk. Ce n'est d'ailleurs pas surprenant car elle est superbe et sensuelle en diable au début du film puis très émouvante au bagne et à la fin. Et puis, surtout, elle possède une voix grave et profonde que je trouve très belle.

Le personnage d'Albert est interprété par Willy Birgel. Le personnage comme déjà dit plus haut est un être décadent et veule. Surtout, il annonce certains des personnages masculins ultérieurs dans les films de Sirk lors de sa période américaine comme, par exemple, ceux, faibles et indécis, joués par Robert Stack dans "Écrit sur du vent".

Pour finir, j'avais l'impression que le film était une critique en creux de la société anglaise, décadente et capitaliste. Mais je n'en suis pas sûr du tout. En fait, d'après ce que j'ai lu sur le sujet, les maîtres à penser du 3ème Reich ne voulaient pas, au moins à cette époque, des films sur la réalité allemande et préféraient des films exotiques avec comme fonction de distraire le public (dans tous les sens du verbe distraire).


JeanG55
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le 24 mai 2024

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