Après les vampires-dandies-rockers d'Only Lovers Left Alive errant dans les ruines industrielles de Detroit, voici l'autre face de Jamursch, Paterson, qui décortique le quotidien du bien nommé Paterson, chauffeur de bus dans la ville de... Paterson. Comme les musiciens noctambules du film précédent, celui-ci, en décalage avec le monde qui l’entoure, s’échappe par l'art, et les poèmes qu'il écrit entre deux courses. À travers ce personnage faussement banal, Jarmusch traque la poésie dans les moindres recoins de l’existence et, comme dans le reste de son cinéma, extrait la beauté du quotidien.


Du lundi au lundi, Paterson, du réveil à la bière du soir dans le pub voisin, vit une journée réglée comme du papier à musique, à peine troublée par quelques péripéties. Il tourne en rond, au sens propre, contraint par le parcours du bus – paradoxe du chauffeur, qui transporte les autres mais dont la mobilité demeure largement subie, un peu comme lorsqu'il promène Marvin, un dogue anglais têtu et taiseux.


Pourtant, c’est aussi de cette routine, hors du temps, que surgit l’énergie créatrice. Dans ce lieu sans cesse arpenté au même rythme et suivant le même trajet, dans les chutes de la rivière Passaic, qui firent la fortune de la ville au 19e siècle et offrent aujourd’hui un lieu de calme et de contemplation, dans le nom de l’illustre prédécesseur William Carlos Williams, Paterson puise l’inspiration de sa poésie.


Le film, d'une lenteur jarmuschienne reconnaissable, tout en anaphores et répétitions, figure cette fausse monotonie, et nous dit qu’il n’est pas besoin de voyager pour s’échapper : Paterson, joli paradoxe géographique, apparaît à la fois comme lieu d’enfermement et d’inspiration. Et l’évocation finale de Dubuffet nous rappelle que l’art se niche partout et en chacun-e de nous. Il suffit de regarder.


Disons que ça change des Avengers.


La version "longue" ici.

LMDLO
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le 2 janv. 2017

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