Je dois bien avouer que jusqu'à présent j'étais passé à côté de Jarmush. Ce film (son 12e long métrage) constitue donc pour moi une porte d'entrée dans cet univers très particulier, d'un esthétisme ultra précis, où la beauté se niche dans les détails, portée par une narration simple mais malicieuse. Déjà, je me languis d'aller rattraper mon retard devant "Broken Flowers" ou encore "Only Lovers Left Alive".
Mais revenons d'abord à "Paterson", qui est à la fois le nom de la ville où se déroule l'(in)action et celui du personnage principal, incarné par Adam Driver. Dans un rôle totalement à l'opposé du méchant casqué de Star Wars, épisode VII. Ici, on le retrouve chauffeur de bus scolaire dans son patelin natal du New Jersey, prisonnier d'un quotidien banal qui ne semble pas l'affliger outre mesure. Le film, structuré à la manière de "Un jour sans fin", déjoue l'effet de routine en se focalisant sur la vie intérieure du trentenaire, bien plus riche qu'il n'y paraît. Tandis que sa compagne exprime haut et fort sa créativité débordante (vêtements, déco, cupcakes et chansons country), lui transforme le monde avec des mots. Tout devient alors matière à poésie, de la boîte d'allumettes qui traîne sur la table aux conversations captées dans la rue. Raconté ainsi, le film n'a rien d'extraordinaire. Et pourtant...
Ce qui mérite le détour, c'est justement la subtilité de ce regard, à la fois attentif et distancié, sur le réel. Un regard d'artiste, par lequel Jarmush montre la force de l'inertie. Dans un cadre répétitif, c'est lorsque la machine s'enraye que la vie prend forme pour son personnage : une rupture qui tourne mal dans son bar fétiche, son bus qui tombe en rade, son chien qui massacre son carnet de notes. Autant de micro-événements qui changent le cours de son existence monotone, et nourrissent son inspiration. En y ajoutant un travail hyper soigné sur le cadrage et la lumière, cela donne une oeuvre tout à fait regardable. On s'ennuie un peu mais la contemplation a du bon, parfois.
Du coup, on veut bien pardonner à Paterson son manque de personnalité et de confiance en lui. Et on ressort du New Jersey avec de belles images en tête. Voire avec l'envie d'écrire des poèmes, assis sur un banc public ou au volant d'un vieux bus scolaire.

Libaber
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le 29 déc. 2016

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