A Venise, le jury du festival a couronné Pauvres créatures de Yórgos Lánthimos, ce qui n'a rien de surprenant, eu égard à la personnalité de son président, Damien Chazelle, dont le Babylon partage avec le film du cinéaste grec un certain goût pour le baroque, l'extravagant et l'incorrect. On peut aussi citer Tim Burton ou Ruben Östlund, pour la fantaisie et l'humour teinté de cynisme, et l'on arrêtera là le jeu des comparaisons. Si la créature du docteur Frankenstein avait été une femme, voici donc, à la sauce épicée de Lánthimos, ce qu'il aurait pu advenir. Du recousu main, qui impressionne d'abord par son sens visuel, qui frise le style pompier mais le grandiose et le grotesque se marient très bien dans ce conte gothique, aux accents rétro-futuristes. Pauvres créatures suit la route d'une femme créée par l'homme, un savant décomplexé et un peu cinglé, qui découvre sans préjugés le sexe et le sens de la vie, en apprenant au fil de ses rencontres et de ses voyages. Un film féministe, dans une version joyeuse et débridée, qui remet les mâles à leur place (voir les toutes dernières scènes). Dans ce parcours initiatique sans tabous, un poil trop long si l'on veut chicaner, Emma Stone, également productrice, est tout bonnement époustouflante. Ce n'est pas réduire le talent de Mark Ruffalo et de Willem Dafoe, qui est immense, que de prétendre que l'actrice américaine a trouvé là un rôle, plus grand que nature, où son audace et sa pétulance laissent carrément sur le séant.