Yórgos LÁNTHIMOS a un style extrêmement singulier mais quand dans son précédent long-métrage – La Favorite – il abordait une histoire relativement classique (la rivalité de deux femmes pour avoir les faveurs de la reine d’Angleterre au XVIIIème siècle), il choisit ici de traiter un sujet nettement plus étrange – voire fantastique – en phase avec sa mise en scène. Et le résultat est fascinant.
Emma STONE – qui aurait pu embrasser une carrière hollywoodienne après son succès dans La La Land – livre une prestation étonnante et impressionnante, qui donne toute sa crédibilité au film. Elle joue le rôle de ce cadavre ramené à la vie par un chirurgien atypique (Willem DAFOE) qui, avec son visage couturé, semble incarner à la fois le Docteur FRANKENSTEIN et sa créature.
Ce nouvel être – doté d’un cerveau de bébé et rebaptisé Bella – se déplace comme une marionnette désarticulée dans l’immense demeure de son créateur, réapprenant peu à peu à parler et à marcher. Ses progrès sont d’abord surveillés par un précepteur, avant qu’elle n’aille étancher sa soif de connaissances et explorer sa sexualité en suivant un avocat charmeur (Mark RUFFALO) à travers le monde…
L’interprétation de l’actrice américaine est stupéfiante et joyeusement impudique. Elle se fond dans le cinéma de LÁNTHIMOS (inattendu et drôle, tout en restant captivant), et mérite largement un deuxième oscar. C’est leur quatrième film ensemble. Cette comédie dramatique est l’adaptation – par le scénariste Tony McNAMARA – du roman éponyme d'Alasdair GRAY.
Au sein de décors baroques et chromatiques, et accompagné d’une musique tout aussi étrange (pour ne pas dire abstraite), le réalisateur grec continue à se moquer ouvertement des prétendues bonnes mœurs (du moins celles de la société post-victorienne) et du patriarcat qui la gangrène, tout en mettant en avant le désir sexuel constant de sa Bella, qui comprend rapidement que la véritable vie est bien plus amusante que les artifices du savoir-vivre.
Décomplexé et novateur, Pauvres Créatures décrit l’humain et le social à travers un prisme résolument moderne. Et dans le fond comme dans la forme, c’est tout simplement réjouissant.