Un postulat de départ improbable, un scénario loufoque au possible. Mais à partir desquels Lanthimos parvient à laminer à peu près la totalité des représentations sexistes de ce monde. Bon, j'exagère sans doute quelque peu, mais, à mes yeux, l'exercice est vraiment réussi, tant sur la forme que sur le fond.
Pour ce qui est de la forme, le réalisateur a opté pour le steampunk. A vrai dire, ça aurait pu être tout autre chose, mais il faut reconnaitre qu'il s'est plutôt bien approprié le concept. Ambiance britannique fin du 19ième siècle avec une bonne dose de fantastique qui renvoie assez clairement à Frankenstein, voire à l'Ile du docteur Moreau. Des images très travaillées, parfois peut-être un poil trop, mais dont l'esthétique souligne et met en exergue l'irréel. L'interprétation est à l'avenant, avec bien entendu Emma Stone, mais également les rôles secondaires. Les dialogues sont excellents et portés par une bonne dose d'humour, qui met souvent le spectateur en joie.
Pour ce qui est du fond, disons, sans en divulguer trop, que le film met en scène une jeune femme sans éducation et dont l'esprit n'est donc pas encombré par les représentations sexistes qui auraient résulté justement de son éducation. Comme elle est d'un tempérament plutôt curieux et déterminé, elle va tout au long du film se forger ses propres représentations sur la seule base de ses expériences personnelles. Elle va ainsi petit à petit littéralement détruire une caricature de séducteur machiste, qui flairant l'aubaine, aura voulu profiter de son manque d'expérience. Tout en se forgeant une conscience politique, ce qui peu à peu conduira à un bouquet final à l'occasion duquel la grande bourgeoisie (avec ses désirs cachés d'excision et de féminicide) en prendra à son tour pour son grade.
Un grand film politique et féministe, en définitive, dont les qualités esthétiques soulignent le message. Et que les culs serrés de tout poil n'apprécieront pas forcément, car les dialogues et de nombreuses scènes sont très crus. Mais dont on peut sortir ragaillardi, même si la gent masculine est loin d'y être dépeinte sous son meilleur jour.