Durant l'été 1969, alors qu'un Podium Europe 1 s'arrête sur les plages de France, Pierre Etaix va aller à la rencontre de ses compatriotes pour leur parler de l'érotisme, des vacances, de l'arrivée des hommes sur la lune... et aussi ce qu'ils pensent du cinéaste Pierre Etaix.
Sorti deux ans plus tard, au prix d'un montage comprenant 40 kilomètres de rushes, Pays de cocagne est non seulement le premier documentaire du réalisateur, mais aussi son dernier film pour le cinéma. Alors que j'aime bien ses fictions, on voit bien qu'il n'était pas taillé pour aller rencontrer la réalité. Car sous ses questions apparemment anodines se cache non seulement quelqu'un d'une grande condescendance, mais à la limite du mépris. Car quand on voit les gens filmés en tenue de vacances sur la mer, le plus souvent donc en maillot, c'est à la limite qu'il dit Regardez ces beaufs. Car oui, parmi les gens, il y a des petits, des grands, des gros, des maigres, des beaux, des moches... ce qui constitue l'humanité en somme. Car sous couvert de la critique de la société de consommation, avec des sponsors sur les t-shirts ou les bobs, j'y vois quelqu'un qui semble ne pas aimer les gens, voire qui s'en moque, et c'est fort désagréable.
J'en veux pour preuve les scènes où se trouvent quelques chanteurs sur le Podium Europe 1, où on voit bien que la plupart chantent affreusement faux ; dans les faits, ça serait une anecdote qui durerait quelques secondes, mais là, ça dure à chaque pour les ridiculiser encore plus.
Même si dans les faits, certaines scènes sont une radiographie fascinante du français moyen à la plage en 1969, soit après mai 1968 où la libération est sur toutes les lèvres, notamment sexuelle, je suis sorti du film au fond très gêné par ce que Pierre Etaix a voulu dire, ou montrer.
Car, au nom du montage, on ne peut pas faire n'importe quoi au nom d'un gag, comme un type qui mange un sandwich, et la seconde d'après, un babouin manger lui aussi ; mais ça raconte quoi ?
Pour le coup, je comprends la démolition critique du documentaire, qui sonnera le glas du réalisateur au cinéma. Mais là où je le regrette, c'est dans son introduction, une petite merveille de burlesque, où Pierre Etaix explique, en compagnie de son monteur, la présence de ces 40 kilomètres de rushes ; à ce moment-là, les pellicules qui l'entourent semblent comme les les noyer, ou les poursuivre à travers le studio comme une grande vague. Je dois dire que ces quelques minutes sont bien plus amusantes que ce qui suit, près de 70 minutes plus tard.