Péché mortel
7.4
Péché mortel

Film de John M. Stahl (1945)

Dans un train qui l'emmène vers le Nouveau-Mexique, l'écrivain Richard Harland fait la connaissance d'une fidèle lectrice dénommée Ellen Berent. Amenés par le plus grand des hasards à passer quelques jours ensemble sur les bords d'un lac, les deux inconnus vont rapidement tomber amoureux l'un de l'autre et se marier dans la foulée. Alors qu'elle espérait passer une lune de miel seule avec son époux, Ellen va vite déchanter : leurs familles respectives vont s'imposer dans leur quotidien, et le couple fraîchement marié ne pourra avoir aucune intimité. Cette situation pénible va mettre à mal leur relation, et faire ressortir par la même occasion le machiavélisme qui se terrait au plus profond de la jeune femme...

Sorti un an après le mythique Laura d'Otto Preminger, "Péché mortel" est un des films emblématiques de la carrière de Gene Tierney. L'actrice à la voix suave incarne ici une femme à double facette, mi-ange mi-démon. Serviable, docile et romantique lorsqu'elle se trouve en présence de Richard, elle se révèle jalouse, paranoïaque et mesquine quand il a le dos tourné : Ellen veut son époux pour elle toute seule, et tant pis s'il lui faut pour cela commettre des actes qui défient l'entendement... La scène de la barque est ainsi d'une cruauté extrême, et l'absence de musique ne fait qu'exacerber la perversité absolue de l'héroïne.

Justement, puisqu'on parle de la bande son, Alfred Newman ne s'est pas moqué du monde, et le thème grandiloquent qui revient tout au long des 105 minutes confère un caractère tragique aux scènes qu'il habille. Le Technicolor aux douces teintes bleutées possède un charme inouï, et Gene Tierney est étincelante avec sa peau de velours et ses lèvres rouge vif. Les décors naturels et boisés du Maine ne sont pas étrangers à l'ambiance singulière qui se dégage de la pellicule : sur cet immense lac perdu au milieu d'une forêt, les personnages sont comme coupés du monde, et la tentation de commettre un crime à l'insu de tous n'en est que décuplée.

Si comme vous moi vous pensiez que Gene Tierney devait avant tout son succès à sa plastique de rêve, ravisez-vous : l'actrice de 25 ans est sensationnelle dans ce rôle de sociopathe possessive, et à mes yeux, elle méritait bien plus qu'une simple nomination aux Oscars. Tout comme dans Laura et "Le château du dragon", elle partage l'écran avec Vincent Price, mais ce dernier vient rompre la magie du film avec son rôle de procureur aux intonations trop théâtrales : en effet, John M. Stahl a eu la bien mauvaise idée de terminer son mélodrame par un procès au cours duquel on nous rabâche tout ce qu'on savait déjà durant 14 longues minutes, et pour cette unique raison, "Péché mortel" passe à côté du statut de chef d'œuvre.
chtimixeur
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le 5 févr. 2012

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