Bon j'ai déjà changé d'avis 10 fois sur ce film.
Faut dire que l'affiche était belle et le projet alléchant puisqu'on se souvient bien de la main baladeuse de "J'ai perdu mon corps", premier long-métrage très réussi de Clapin.
L'idée du scénario de se pencher, non pas du côté du héros et de l'épopée spatiale qui n'apparaît qu'en filigrane, mais du côté de ceux qui restent "pendant ce temps sur terre", était elle aussi prometteuse.
Et je n'ai pas boudé mon plaisir devant ce film sensoriel qui m'a mis immédiatement dans une ambiance Gerardmienne, ma bande sûre et les cris pré-séance en moins.
J'ai été assez captivée par Meghan Northman et happée par l'ambiance sonore omniprésente comme si le film souhaitait capturer par le son, la matière et la texture des choses (à la façon d'Under the skin même si la comparaison fait un peu mal). D'ailleurs pas de bonhomme vert ici, la rencontre du 3e type se fait essentiellement par la voix.
Je crois que ce que j'aime souvent dans les films fantastiques à petit budget c'est qu'ils sont obligés de redoubler de créativité, d'invention, et ça rend paradoxellement les choses souvent plus crédibles, plus bricolées, plus ludiques : l'objet non identifié qu'elle tente de retirer de son oreille (véritable scène de body horror), la scène du lampadaire, les moments en arrière plan dans la forêt, le visage modifié de son ami "contaminé"... J'ai eu un petit frisson d'angoisse ici et là.
Mais c'est vrai qu'une fois passés les premiers effets, il me reste quelques doutes quant à l'écriture du scénario.
On sent que le réal a des prétentions de réflexions quasi philosophiques mais je regrette qu'il n'approche pas davantage le malaise que ses questions suscitent. Que vaut une vie ? Comment déterminer qu'une vie vaut plus qu'une autre ?
Les solutions d'Elsa se tournent vers l'inutile : les vieux, les malades, les déprimés. D'ailleurs sa décision de libérer sa dernière proie ne se fait qu'après que celui-ci lui ait fait part de ses ambitions, ses projets. Il a réussi son entretien d'embauche, sa vie est sauve. Tchin !
Est-ce que ça ne ferait pas un tout petit peu écho à notre monde capitaliste qui trie et piétine ses déchets les plus impurs ? On garde les méritants, les bien nés, les compétents. On se débarrasse de ceux qui ne rentrent pas dans le moule normatif, les fous, les grabataires, les fauchés... les inutiles en somme.
Ca rejoint la question d'Elsa d'ailleurs : que devient-elle alors qu'elle traverse un deuil qui ne lui permet plus de jouer le jeu des civilisés ? A t-elle toujours une place dans cette société ? Sa mère la sermonne : "pour être heureux, il faut le décider" (à coup de somnifères et d'alcool semble t-il). Pas de place pour la tristesse, la douleur, le rêve, l'inutile.
C'est là qu'arrive la fin et les nombreuses interprétations possibles qui lui sont associées. Si cette fin ouverte aurait pu me séduire, elle me conforte ici un peu dans l'idée que le réal ne sait pas tout à fait ce qu'il veut dire ni où il veut aller.
Voici tout de même mon interprétation :
ne parvenant plus à vivre pleinement sa vie depuis le décès de son frère, l'échange avec le jeune homme dans la voiture lui fait réaliser qu'elle est sans projet, sans avenir ("inutile", on y revient). Elle décide ainsi de se sacrifier pour son frère. La dernière scène serait donc le rêve (enfin !) dans lequel les extra-terrestres l'ont mis (avec un chien et une plage en vrai c'est cool).
Un petit goût d'inachevé donc mais plein de sensations cool qui donnent déjà envie du suivant.