Quand un très grand cinéaste français classique s’immisce dans l’univers du film-noir américain avec toujours ce sens inouï de la perfection de la mise en scène, cette utilisation merveilleuse de la lumière et des tons, et cette direction d’acteurs – v’là la distribution ! - des plus raffinée, cela donne une grande œuvre boursoufflée et intemporelle sur l’univers des bandits romantiques. Une peinture romanesque et désincarnée donnant tout son sens au terme volupté.
Gabin, encore jeune et dont les traits ne donnent pas encore à son visage cet aspect de patriarche imposé, incarne le Pépé en question, gangster gominé aux yeux de velours qui fait chavirer les cœurs des donzelles. Il y est déjà charismatique et s’impose d’emblée dans cette figure de style de chef de gang, romantique et mystique.
En chantre de la mise en scène stylisée, Duvivier réussit quelques accroches d’une toute beauté avec quelques idées absolument géniales, je pense notamment à la scène d’exécution du traître Régis, interprété par Fernand Charpin, qui est un modèle de construction et de novation.
Chez Duvivier on pousse souvent la chansonnette, et qui mieux qu’un Gabin jeune et voluptueux peut retourner, le cœur des femmes d’une casbah aux impasses étroites, quand il entonne une sérénade… cela donne quelques moments de grâce absolue hors contexte qui donne à ce grand film des allures de fable romantique et tragique. Scarface aux pays de mille et une nuits.
Quant à ses héroïnes, de la mondaine et fatale Mireille Balin, beauté sculpturale aux yeux de biches, dont Pépé tombe amoureux, à l’Inès éprise, émouvante et romantique Line Noro, qu’il laisse maladroitement à l’abandon, elles incarnent la perfection au féminin.