Kerouac et vanité entremêlés dans une valse aigre-douce
Qui n'a jamais rêvé d'une vie de voyages, de découvertes humaines et d'émerveillements ? En tirant sur cette corde sensible, Jarmusch jouait avec l'âme d'éternels insatisfaits que nous sommes. Le tout était de développer un propos cohérent avec son idée du vagabondage.
"Permanent Vacation" est un film - le premier de Jarmusch, projet de fin d'études - qui pousse à la réflexion et à l'observation. Il est agréable d'avoir un point de vue sur ce phénomène marginal de la "dérive" loin des stéréotypes du road trip comme on l'entend de nos jours. Se prenant pour un Kerouac des temps modernes, Aloysius Parker est un énième nostalgique de l'époque qui l'a précédé, cette génération des années 50 où toutes les aventures semblaient possibles et où l'insouciance était une philosophie de vie.
Aloysius en rêve, mais ce n'est qu'une chimère inatteignable qui le motive. Au fil de ses pérégrinations, on retrouve une génération à bout de souffle, qui ne parle que pour s'entendre parler, qui noue des liens non pas pour découvrir des personnalités mais pour tromper la solitude. Alors que la dépravation était morale, Aloysius ne trouve qu'une dépravation mentale, un mal de la société où l'espoir de se retrouver dans les autres n'existe plus.
New York, une ville si dynamique, si peuplée mais rongée d'une maladie pernicieuse. Le jazz semble être l'unique issue de secours, le seul rêve qui reste encore tangible dans l'esprit du jeune vagabond, qui appellera son fils Charles, et qui ne semble retrouver la sève de son coeur qu'à l'écoute de cette fraternité musicalisée.
Combler la vanité de la vie par l'instabilité ou accepter de survivre cette vanité, voilà les deux seules options qui sont permises à l'être humain. L'une vaut-elle mieux que l'autre ? La réponse reste désespérément en suspens.