Le succès de Tuer n'est pas jouer permet à Timothy Dalton d'aller encore plus loin dans sa volonté de moderniser le personnage de l'agent 007 en le rendant plus sombre, plus brutal. Dans Permis de tuer, il ajoute plusieurs cordes à son arc. James Bond souhaite venger son ami Felix Leiter dont la femme a été tuée et sa jambe dévorée par un requin appartenant à un trafiquant de drogue.

Et il n'ira pas par quatre chemins. Lorsqu'il mettra la main sur le flic corrompu, il l'enverra lui aussi se faire dévorer. Bond est seul, il le dit lui-même, ses rares soutiens se font tuer (Sharkey) ou grièvement blesser (Leiter). J'ai même cru à un moment que Q, pour une fois dans le feu de l'action, allait y passer. Même ses supérieurs lui tournent le dos en lui ordonnant de leur remettre son permis de tuer.

Sombre, brutal, violent, solitaire, calculateur, obsédé par la vengeance et pourvu d'un humour cynique, à froid, bien loin des calembours de Roger Moore. Rien que son visage le montre : regard perçant, mâchoires serrées, répliques minimalistes, il n'est pas là pour rigoler. A ses côtés, des James Bond girls magnifiques. J'avais déjà cité Maryam d'Abo dans Tuer n'est pas jouer. Dans Permis de tuer, il faut rajouter Carey Lowell, ex-madame Richard Gere et la mannequin Talisa Soto. Quant aux méchants, c'est un festival de gueules : Robert Davi bien sûr en baron de la drogue, Benicio del Toro qui faisait ses débuts, Everett McGill en flic pourri et première victime de la vendetta de James Bond, Anthony Zerbe...

Les scènes d'action vont même encore plus loin. On voit l'agent 007 sous l'eau, sur l'eau, se battant à mains nues et clou du spectacle la fameuse course-poursuite finale avec les camions citernes qui a monopolisé à elle-seule six semaines de tournage. Quant aux mises à mort, elles sont très violentes : Killifer sera jeté par James Bond dans la fosse aux crocos, Krest verra sa tête gonfler jusqu'à exploser, Dario sera broyé et Sanchez brûlé vif. Le film sera classé PG-13. Une première.

Mais malgré toutes ces qualités, le public ne suivra pas. Alors qu'aujourd'hui, on loue les héros dépressifs (Batman, James Bond avec Craig), à l'époque, Roger Moore est encore trop présent dans les mémoires. L'intelligence de Dalton le rendait trop en avance sur son temps et le public n'était pas prêt. Pour moi, il est bien plus qu'un simple James Bond de transition utilisé à la fin des années 80 pour annoncer Pierce Brosnan. Il est le meilleur des James Bond que la saga ait pu connaître et le seul à avoir su comprendre le personnage.

J'ai deux regrets. Un, qu'il n'ait pas pu continuer un peu plus longtemps dans la franchise car clairement il pouvait encore faire plusieurs films. Deux, qu'incarner ce personnage aussi marquant que James Bond ne lui ai pas profité dans sa carrière. Car si je regarde ce qu'il a pu faire après, je vois quoi ? La Putain du roi juste après Permis de tuer aux côtés de Valeria Golino, Jules César dans le téléfilm Cléopâtre, une brève auto-parodie dans Les Looney Tunes passent à l'action de Joe Dante et c'est quasiment tout à part quelques apparitions ici où là à la télé...Frustrant, très frustrant.
Incertitudes
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le 30 mai 2014

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