Cette fois, rien ne va plus!
Mû par une rage sans limite, un désir sanglant de vengeance, 007 est lâché dans la nature par un MI6 qui ne parvient plus à le contrôler...


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L'Adieu aux armes


Le film s'achève bien sur "James Bond will return". Pourtant, rien est moins sûr.
Car nous sommes en 1989, année fatidique de la chute du mur de Berlin et de la fin symbolique de la Guerre Froide. Une Guerre Froide qui constitue l'environnement historique et géopolitique essentiel à une aventure de l'espion de Ian Fleming. D'aucuns diront que ce nouveau volet ignore déjà la guerre froide. En ce cas, comment expliquent-ils cette réplique de Franz Sanchez, le nouvel antagoniste de Bond: "L'Est rencontre l'Ouest: dealers de tous les pays, unissez vous !" ?


1989, l'année qui a mis fin à un certain nombre d'univers cinématographiques et télévisuels qui ne reviendront qu'au milieu des années 90, au nombre desquels James Bond, Mission:impossible ou encore Docteur Who.
1989 qui voit une bataille des Bond passée sous silence comme pour annoncer le silence à venir de six ans de 007. Timothy Dalton et son Permis de tuer - de son titre initial Permis révoqué - au cinéma, George Lazenby et ses Diamants ne sont pas éternels à la télévision pour le Alfred Hitchcock products, tout annonce la fin de 007.


D'ailleurs le célèbre espion quitte son service de renseignement pour n'envisager son retour en fin de film que de façon hypothétique bien que poussé à le faire par l'ami qu'il a voulu venger. Scène clef du film, James Bond doit rendre son permis de tuer et son PPK à M dans la maison d'Hemingway et va de sa référence badine d'un air de profonde mélancolie: "*Ce sera donc un Adieu aux armes*". En effet comme Frédéric Henry, le héros du roman d'Hemingway auquel cette sortie fait référence, Bond cherchera à fuir une hiérarchie qui lui paraît injuste pour mener les choses comme il l'entend. Comme le chevalier du poème de George Peele dédiée à la Reine Elisabeth qui a inspiré le titre d'Hemingway, Bond a vu son âge d'or devenir argent et redoute sans doute le bronze.


Rien n'assure hormis l'excipit traditionnel le retour de Bond.
Raison pour laquelle un grand nombre de puristes le considèrent comme le dernier vrai James Bond.


L'Homme révolté


Timothy Dalton dont l'interprétation était parfaite dans Tuer n'est pas jouer a décidé d'explorer une facette inconnue de son personnage, la face cachée de la lune bondienne. Le changement de Bond est bien amené puisqu'il résulte pas seulement d'un désir de vengeance, de sa "petite vendetta personnelle" comme le disent les autres personnages du film. Bond laisse transparaître, en assistant au mariage de Leiter, la souffrance qu'il a su taire aux yeux de tous depuis la mort de Tracy. Mais lorsque le baron de la drogue et tyran officieux Franz Sanchez réitère le schéma du meurtre commis par Blofeld en faisant tuer Della, la femme de Félix, et en laissant ce dernier comme mort, amputé d'une de ses jambes, sa douleur secrète se change en une indicible rage que 007 lui-même veut faire passer pour une volonté de vengeance. On sait ce qu'il en est depuis Rien que pour vos yeux, James Bond ne croit plus en la vengeance. Il souhaite empêcher que son malheur ne frappe d'autres que lui et ce d'autant plus ardemment que cet autre est son meilleur ami.
Plus sombre, toujours aussi passionné et bien plus complexe, Timothy Dalton réétudie son Bond pour surprendre à nouveau en montrant l'homme révolté contre la Mal quelque soit sa figure. Car c'est ce Mal qu'il affronte en la personne de Franz Sanchez, sorte de Blofeld d'un nouvel acabit. Mais pour vaincre le Mal, Bond accepte de devenir lui-même mauvais, cruel et sans pitié. D'où une aventure plus sanglante - avec un peu trop d'hémoglobine pour être crédible par moment - tachée d'autant de violence physique que verbale qui défigure un James Bond qui cherche à rivaliser avec la mode ambiante de l'effet Mel Gibson avec L'Arme fatale et Mad Max qui avait commencé la même année que Moonraker. Le méchant crache que Bond lui léchera même le cul pour qu'il le tue, Bond qui le vise au fusil marmonne "Dis bonjour au petit oiseau, espèce de fumier" ou lance "va chier!" ("piss off !") à l'agent du MI6 venu le ramener à Londres. Sanchez vide son chargeur sur la dépouille d'un narcotique de Hong Kong en hurlant "fils de pute!" en espagnol, fait exploser littéralement la tête de l'un de ses hommes de main, fouette sa petite amie coupable d'escapades et fait arracher le coeur de son amant sous prétexte qu'il le lui avait promis. Bond s'en tient à attaquer sauvagement Q en le mettant en joue avant de manquer de tirer sur la James Bond Girl.
On l'aura compris, si la révolte de Bond permet une certaine innovation très intéressante, elle justifie aussi un sacrifice maladroit aux attentes du temps et une violence inédite dans l'univers de 007. Le film est sauvage, à l'image de son vif gunbarrel suivi d'une musique effrénée, et cumule les scènes chocs - comme le réveil de Bond dans la chambre blanche et froide où l'a mis Sanchez face à une statue des plus effroyables - et un humour noir aussi jouissif que dérangeant. Devant des personnages mort de façon sanglante autour de billets: "- Quel gâchis! / Bond regarde son interlocuteur/ -L'argent..." ; "- Patron? Qu'est-ce qu'on fait de l'argent? / - Tu le blanchis!".
L'une des affiches du film avait pour slogan: "His bad side is a dangerous place to be" (Son mauvais côté est un lieu périlleux). Rien est plus vrai. Car ce côté obscur de Bond peut plaire comme déplaire, être perçu comme une réussite ou comme un écueil. La vérité est que ce volet justifie à la perfection son originalité en mettant en scène un Bond en perte totale de repères face à deux systèmes qu'il rejette: celui qu'il a connu au MI6 et celui de la morale fallacieuse et bon marché de Sanchez.
Deux systèmes représentés par deux ersatz de Blofeld, le pire ennemi de Bond. Lorsque 007 entre dans la maison d'Hemingway, le spectateur n'aperçoit sur une rampe d'escalier qu'un bras et un chat. Ce n'est qu'après cette étrange impression d'un retour de Blofeld qu'on ne s'aperçoit qu'il s'agit de M, le patron de Bond, toujours impeccablement joué par Robert Brown. Quant à Sanchez, c'est un Blofeld à l'iguane. En effet, il possède un iguane portant un collier serti de diamants. Une sorte de chat colombien.


L'Empire d'essence


Plomo o plata


L'un des points les plus forts de ce seizième volet - outre que Bond se trouve pour la première fois envers et contre tous, quelques dix-neuf ans avant Quantum of solace, c'est la morale de son antagoniste. La plupart des méchants avouent agir contre la morale. Franz Sanchez se distingue par sa morale à lui qu'il résume en cette simple phrase: "plomo o plata", digne des pires trafiquants de drogues. Mais elle prend un sens différent dans sa bouche. Son attentat contre Leiter n'est pas personnel pour lui mais professionnel. "La loyauté a plus de valeur pour moi que le pognon", affirme-t-il également. Cette fois, le méchant, gouverné par une morale paradoxale, une vision du monde inversée, se présente dans son bon droit. Celui de ne pas adhérer à la pensée commune.


Franz Sanchez, le touche-à-tout


Adhérer à la pensée commune, ce n'est vraiment pas le genre du méchant du jour. Franz Sanchez, présumé colombien n'a pas un plan de Maître. Le Maître, il l'est déjà.
Il nomme les présidents de ce qu'il présente comme son "Empire invisible qui s'étend du Chili à l'Alaska" et les paie pour qu'il exécute ses ordres: "rappelez-vous! Vous n'êtes président qu'à vie !". A Isthmus, qui lui sert de capitale, il joue les hommes politiques, assure la sécurité des rues, dirige sa propre banque. Les lois d'ailleurs ne le concerne qu'ailleurs où il les méprise, offrant une récompense substantielle à qui lui permet de s'évader. Aux arrêts, il apparaît comme une star que les journalistes viennent interviewé et les policiers qui l'emmènent manu militari comme ses gardes du corps.
Son Empire, il l'entretient à coups de pots de vin, de trafics diversifiés tels que la drogue, la fausse monnaie, les dons caritatifs, les armes.
S'il est, comme Bond, recherché par tout le monde, c'est parce qu'il dépasse les bornes. Loin des méchants officiellement bons sous tout rapport, grand nom et grand visage du gratin, il est celui qui dérange et que l'on recherche dès le commencement du film. Mais durant le film, il est temps de le faire tomber. Car il s'est emparé de missiles stingers - ce qui fait de lui un Largo miniature. Car il a dérobé des documents ultra-confidentiels de la CIA qu'il peut aisément revendre au plus offrant - ce qui fait de lui un Raoul Sylva ou un Edward Snowden vingt-quatre ans avant l'heure. Et surtout car il a trouvé le moyen retors de fondre la drogue dans de l'essence pour la rendre indétectable - ce qui fait de lui un Kananga amélioré. Franz Sanchez, c'est le Goliath des ennemis de Bond: un touche-à-tout du vice que rien n'arrête parce qu'il règne en maître sur toute une partie de l'Amérique latine, empereur de la drogue à l'essence et de la république bananière. Maître sur toute une partie de l'Amérique latine, ce qui lui semble peu. L'importance de son trafic de drogue dans l'histoire, c'est qu'il lui permet d'étendre ses activités jusqu'en chine et de devenir par là même le Maître en tous les marchés illicite du monde. Plus simplement dit, un parrain mondial.
Il est incarné avec la sauvagerie et la force qu'il faut par le brillant mais hélas peu reconnu Robert Davi, connu pour ses rôles de méchants - Kolya dans Stargate Atlantis, Jake Fratelli dans les Goonies - et de policiers ( l'un des Johnson de Piège de cristal, l'agent Malone de Profiler ou l'un des associés de Barney Ross dans Expendables 3). L'acteur impressionne dès son entrée en scène, déchirant le rideau transparent d'un lit à baldaquin où se cachent Lupe,sa petite amie, et son amant. Sa mort n'est pas moins horrible, terrifiante et réussie que son entrée, ce qui fait de Sanchez l'un des meilleurs méchants de la saga EON.
Pour bien entrer dans son personnage, Robert Davi le joue en et hors plateaux. Il va jusqu'à provoquer des caïds dans des bars miteux pour assoeir le charisme de son personnage, tout en s'entourant de ses sbires.
Plus incroyable encore, Robert Davi a organisé la vie sur les plateaux en créant deux équipes: les gentils et les méchants. Les deux équipes devaient rester éloignées ou ennemies pour rendre plus réaliste leur antagonisme à l'écran. Idée d'autant plus géniale que la seule faille de Sanchez est sa foi en ses amis vis à vis desquels Bond va instiller le doute dans son esprit. David, le minuscule, détruit Goliath en faisant s'effondrer son empire bâti sur la notion de loyauté, si aisée à mettre en doute. Les surprises et déceptions de Sanchez ainsi que les manipulations de Bond gagnent en vraisemblance grâce à ce choix d'équipes proposé par Davi.


Les fines équipes


Les acolytes de Sanchez
Les hommes de main de Sanchez ne sont pas restés célèbres dans la saga. Pourtant, ils sont pour la plupart excellents et dignes d'être conservés dans les mémoires.


"Tiens! Le monde est petit: vous aussi, vous êtes un Toro?"
A l'image du jeune freluquet destiné à devenir l'un des plus grands grâce à Guy Ritchie, Brian Synger et Steven Soderbergh, j'ai nommé Benicio del Toro. Son nom de méchant introductif d'Octopussy ne paye sans doute pas de mine mais le Franky les quatre doigts de Snatch, le Docteur Gonzo de Las Vegas parano, le Fred Fenster d'Usual suspects comme le Ernesto Guevara du Che, eux, sont autant de rôles marquants du cinéma. Benicio del Toro, alors jeune comédien dans Permis de tuer, se donne à fond dans son rôle de jeune tête brûlée, perverse et sadique. Homme de confiance de Sanchez qui, seul, parvient à enrayer la machine insidieuse délétère de 007, Dario est aussi un geste: un bras qui se prolonge d'un coup d'un couteau qui ne le quitte pas. Mouvement effroyable que del Toro maîtrise à la perfection. Il sait aussi donner un air haïssable à son personnage, jouant de sa dentition mal rangée et de mimiques railleuses détestables. Jusqu'à la mélodie phrastique de ses répliques qu'il compose afin de rendre les insultes et provocations de Dario pire encore. Exemple avec le "Honeymooooooooon" qu'il jette au visage de Leiter pour lui suggérer de le viol de sa femme.


La mauvaise Zerbe
L'autre homme de main essentiel de ce volet, c'est Milton Krest. Krest s'occupe des couvertures des systèmes via lesquels passent les flux commerciaux illégaux de son patron. La plupart du temps, il s'agit du Wavekrest, son bateau, qui est l'un des décors les plus récurrents du film et les plus plaisants. Krest est aussi la première personne contre laquelle Bond va retourner Sanchez, celle qui va par conséquent connaître la mort la plus horrible. Une mort moins critiquée que celle de Kananga dans Vivre et laisser mourir et qui y ressemble pourtant beaucoup.
Pour jouer Milton Krest, la production a choisi Anthony Zerbe, un acteur alors connu pour des rôles dans des films policiers ou dans des westerns et qui a participé à plusieurs épisode de la série originale de Mission: impossible. On le connait aujourd'hui surtout pour ses rôles dans Star Trek insurrection et dans la trilogie Matrix. On le retiendra surtout dans Columbo où il fait face à Peter Falk. Son physique est similaire à celui de l'interprète de Columbo de par leurs regards borgnes.


"Bénie sois-tu !"
Il n'est pas besoin d'être exhaustif avec les autres comparses de Sanchez puisque, même importants, ils ressortent peu du lot: Heller, son chef de la sécurité en pourparlers avec Pam et Félix, Truman Lodge, son expert comptable.
S'il en est un qu'on retient, c'est le Pr Joe Butcher, un prétendu défenseur de la méditation qui demande à la télévision des fonds pour restaurer son immense lieu de culte et sa chapelle. Cet institut de la méditation comme il l'appelle est en réalité le meilleur décor du film et l'un des plus extraordinaires repaire de méchants de la saga toute entière. Il sert de couverture aux ateliers fondant la drogue dans l'essence pour les acheminer par camion-citernes vers les acheteurs. Vu de l'extérieur, c'est un temple gigantesque façon inca, tout de pierres et de peintures, primitif, en restauration.
Quant à Joe Butcher, drôlissimement interprété par Wayne Newton, un chanteur célèbre à l'écran pour sa participation à la fresque télévisuelle Nord et Sud. Le bougre va même jusqu'à tenter de séquestrer la James Bond Girl pour la séduire. Il sert le comique du film, ne serait-ce que par celui de répétition qui consiste en répéter sans arrêt: "Bénis soyez-vous !", "Bénie sois-tu !".
"Il est tordant, ce type !", commente Franz Sanchez.


Les James Bond Girls


Lupe Lamora, la sauvage
La première à apparaître, c'est la petite amie forcée de Sanchez, Lupe Lamora. Jouant sur un physique latino, canon de beauté, Lupe se présente comme la femme victime qui va jusqu'à repousser tous les hommes par peur des représailles. Elle laisse perplexe, visiblement partagée entre le rôle de femme affirmée et de potiche à la sensibilité exacerbée.
Talisa Soto, que l'on connaît autant pour ce rôle de James Bond Girl - qu'elle parodie face à Leslie Nielsen dans Agent 000 - que pour son rôle de Princesse Kitana dans la saga Mortal Kombat, sait jouer les femmes plus fortes et plus retorses. Elle plaira plus ici pour sa plastique et encore, lorsque celle-ci ne souffre pas des blessures de Sanchez.


Pam Bouvier, la douce
Ma préférence - comme celle de Bond - irait davantage à Pamela Bouvier alias Miss Kennedy en clin d'oeil à Jacqueline Kennedy, femme de JFK, dont le nom de jeune fille était Bouvier.
Pamela ou Pam, pour les intimes, est un personnage féminin fort quoiqu'en apparence plus faible que Lupe. Elle est pilote, est l'égale de Bond et possède ses propres astuces de femmes, comme cacher un pistolet dans son sac à main ou attaché à sa jambe au moyen d'un porte-jarretelle. Comme Bond, elle porte le couteau. Bond porte le PPK, elle porte un fusil à pompe.
Entre cheveux longs et coupe au bol à la garçonne, la belle semble hésiter entre féminisme et affirmation masculine. Bond hésite quant à lui aussi entrer la traiter en femme ou l'appeler "chef!". Car la belle aime s'insurger contre le machisme que Bond attribue à la culture locale de l'empire de Sanchez comme elle aime materner et raisonner Bond de façon très féminine. Androgyne à plusieurs instant, elle conserve toute sa féminité, ce qui la met aux côtés de XXX au panthéon des James Bond Girls ayant trouvé le subtile mélange entre affirmation et grâce.
Cette subtilité, elle la doit au jeu incontestablement bon de Carey Lowell, connue pour la série de Dick Wolf New York,police judiciaire et pour sa participation aux films Nuits blanches à Seattle et Créatures féroces. Considérées à bien des égards comme LA femme des années 80 (la chanson de Michel Sardou se trouve d'ailleurs vérifiée avec le personnage de Pam Bouvier), Carey Lowell mérite aussi d'être reconnue comme la première James Bond Girl à avoir embrassé James Bond de force. Cet acte fort par sa nouveauté justifie la chanson générique de fin If you asked me to, qui s'inspire de l'échange verbal qui ouvre et clôt la relation de Bond et Bouvier. Une très belle chanson, interprétée par Patti La Belle (American Horror Story saison 3) qui dépassera de façon assez méritée la chanson générique de début, plus en rapport avec l'esprit de Sanchez,chantée par Gladys Knight, grand nom du gospel et du blues. Une chanson de fin qui sera un succès et sera reprise par rien de moins que Céline Dion.


Résurgence du vaudeville
Beaucoup ont condamné le vaudeville des deux premiers volets avec Roger Moore, Vivre et laisser mourir et L'Homme au pistolet d'or. Assez étrangement, rares sont ceux qui pointe celui de Permis de tuer, pourtant bien présent.
C'est parce que Permis de tuer renouvelle cette incursion du genre dans l'univers de 007 pour créer la scène d'horreur qui introduit Sanchez et pour impliquer affectivement le spectateur. Sanchez commentera son acte goguenard en disant: "Fallait que j'marque la Saint-Valentin", laissant Milton Krest pantois. Bond tourmentera un certain temps Pam avant de la rejoindre dans une romantique baignade nocturne.
Le vaudeville sert donc aussi à définir Bond et son antagoniste dans leur rapport aux femmes.


Retours


Permis de tuer est aussi le volet des retours.
Si Quarrel et son fils se voient remplacer par le furtif personnage de Sharkey, c'est bien David Hedison (Five Fingers) qui reprend son rôle de Félix Leiter de Vivre et laisser mourir. Il est dommage pour l'impact sentimental de la torture de ce personnage sur 007 et sur le spectateur qu'il ne soit pas revenu dans le dernier volet Tuer n'est pas jouer. L'effet de discontinuité, qui n'est pas à reprocher à John Terry, gâche un peu l'effet que devait avoir cette attaque qui sert d'élément déclencheur de la vendetta de Bond. Pour palier ce manque, le rapprochement entre Leiter et l'objet "lighter" (le briquet), vu dans le premier volet d'Hedison en tant que Félix Leiter, revient à travers le cadeau de Félix et Della à James. Cadeau annoncé par une scène coupée de Dangereusement vôtre qui se fera l'instrument de la vengeance de Bond.
Autre retour, celui de Pedro Armendariz, l'interprète de Kerim Bey dans Bons Baisers de Russie, à travers son fils, Pedro Armendariz Jr, qui joue Hector Lopez, le président mis en place par Sanchez et qui lui sert d'homme de paille.


"Ce qu'il faut à un homme en villégiature"


Bond dans la nature, cela n'est pas pour rassurer la pauvre Miss Moneypenny que la remplaçante de Loïs Maxwell, Caroline Bliss joue avec une candeur sans doute trop appuyé. L'air inquiet, intériorisant de la première cède aux larmes adolescente de la seconde. Le vernis ironique du personnage craque trop facilement. Toutefois, cela rajoute à la gravité et au sombre de la situation.
Moneypenny envoie donc Q à la rescousse de 007.
Un Q plus présent, plus humain, plus proche de Bond et plus complice, servant au comique vaudevillesque. Meilleur que jamais dans le rôle, Desmond Llewelyn gâte ses spectateurs de tout une panoplie de gadgets fous furieux: un réveil explosif - recyclé en montre par Sam Mendes dans Spectre - accompagné de sa boîte à cigarettes servant de détonateur, un appareil photo lance-laser qui fait des radiographies de ce qu'il photographie, un balai-micro et un fusil à empreintes - que Sam Mendes recyclera sous forme de pistolet dans Skyfall.
Un Q plus qu'en forme qui se charge de défendre Bond contre la jalousie de ses Bond Girls et de l'équiper avec des gadgets dont les volets du New Bond les plus récents sauront se souvenir. Et son regard désapprobateur, comme toujours !


Un final dantesque


Le seizième volet des aventures de 007 vaut aussi et surtout pour son final dantesque, explosif.
Pastiche relatif des Mad Max, il met en scène la poursuite en camion d'un Sanchez perdant tout, moyens et hommes, petit à petit, à cause de Bond qui a provoqué l'explosion de son repaire. La couse-poursuite cumule les moments de bravoure: explosions au lance-roquettes, cascades multiples de Bond en camion sur les deux roues latérales pour éviter un missile ou sur les deux roues arrières pour passer au-dessus d'un feu. Le feu qui suit la piste d'essence que Bond et Sanchez traîne derrière eux ! Le feu qui, aux dires de l'équipe de tournage, prenait parfois la forme d'une main griffue en flamme se refermant sur eux lors des explosions ! Une route de feu sur laquelle le dernier camion de Sanchez est lancé à toute allure. Un camion incontrôlé sur le toit duquel Bond et Sanchez se livrent une lutte sans merci à coups de pieds, de poings et de machette. Un camion se dirigeant droit sur le ravin où il finit dans une énième et bruyante explosion. S'ensuit le dernier face à face. Un face à face qui fait toute la force et toute l'horreur du film.


                                                                      *******

Permis de tuer est donc un volet qui laisse d'abord mitigé avant de livrer à qui veut lui laisser sa chance toutes ses trouvailles, ses ingéniosités et toutes ses merveilles.
Néanmoins, il pâtit d'un désir de violence physique et verbales qui font perdre beaucoup au standing de 007, bien plus sobre d'ordinaire.
Âmes sensibles s'abstenir.

Créée

le 11 sept. 2016

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Frenhofer

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