Que le propos d’une œuvre ne soit pas tout à fait limpide pour le spectateur permet d’ouvrir la réflexion. En revanche, que les clefs de la compréhension du récit correspondent à des principes philosophiques peu connus réduit nettement l’intérêt du film. ‘Persona’ repose donc sur une théorie de la psychanalyse considérant la « persona » comme le masque social, et l’alma comme le subconscient. Avec ces simples concepts en tête, l’œuvre entière s’éclaircit, mais devient également moins intéressante.
En effet, on ne trouve pas forcément les indices qui aurait dût mettre la puce à l’oreille du spectateur, comme David Lynch l’a fait adroitement dans ‘Mulholland Drive’. Il y a évidemment la ressemblance entre les deux actrices, le plan de fusion des visages, mais on reste sur notre faim. Pire, certains passages restent obscurs, et on hésite entre lacune d’interprétation de notre part, ou incohérence du réalisateur. Ainsi, si Alma est, comme son nom l’indique, le subconscient d’Elisabeth Vogler, comment expliquer qu’elle se livre aussi facilement au moi ? On peut comprendre l’opposition entre les deux personnages, mais on aura du mal à suivre et à interpréter l’évolution de leur relation.
Reste que l’ambiance particulière du film est particulièrement adaptée au propos, avec ses décors épurés, ses superbes jeux de lumière et sa mise en scène réussie. Pour autant, les délires symboliques du réalisateur, en introduction et conclusion entachent le récit. Non seulement ils marquent une coupure radicale avec le reste de l’œuvre, mais leur sens reste également opaque au spectateur. Par ailleurs, la répétition du discours final d’Alma est lassante, et largement superficielle.
On se contentera des excellentes performances des actrices Bibi Anderson et Liv Ullmann. Plutôt que les plongées psychologiques du réalisateur, on appréciera la faculté d’Ingmar Bergman à mettre en scène les tensions entre les femmes (qui seront d’ailleurs au cœur de son ‘Höstsonaten’).
Un œuvre à la psychologie opaque.