Petit Vampire, vous avez dit Petit Vampire ?

Le nouveau film de Joann Sfar sort dans un contexte cinématographique chaotique, où les monstres sont microscopiques et contagieux.


Dans Petit Vampire, ce ne sont pas les mêmes monstres qui nous font peur qui sont au centre du film, bien au contraire. Retroussant les manches pour adapter au cinéma son excellente série de bandes dessinées, Joann Sfar, accompagné de Sandrina Jardel, fait revivre sous nos yeux ébahis toute une galerie de créatures de l’au-delà, mais avec un coeur gros comme ça.


Si les premières bandes dessinées dressaient des cadres, aux aventures assez différentes, de même pour l'excellente série animée de 2004, cette version pour le grand écran et pour les petits et les grands se structure. Elle commence avec les origines de Petit Vampire, de sa mère Pandora, de leur rencontre avec le Capitaine des morts, au croisement de leur vie à trépas, pour une nouvelle existence.


Le métrage utilise une menace comme fil rouge, un adversaire qui les poursuit depuis des siècles. Le Gibbous est un ancien amant éconduit par Pandora, dont l’honneur lui semble bafoué, devenu vassal d’une puissance maléfique supérieure qui a le pouvoir de tuer les morts, comme Petit vampire ou son entourage.


Ses manigances rythment le film mais n’en constituent pas le seul ressort. Car Petit Vampire est condamné à avoir 10 ans depuis trois siècles, protégé dans leur manoir, mais cette situation lui pèse. Il s’ennuie, avec les mêmes amis dont Marguerite, Claude et l’Ophtalmo, trio haut en couleurs, et son chien fantôme, le ronchon Fantomette. Petit vampire rêve de l’ailleurs, mais aussi de l’autre, il se sent seul. Il va faire la rencontre de Michel, petit garçon orphelin, une petite tête chaleureuse, un humain bien comme il faut. Et peut-être aussi un instrument pour le Gibbous.


Petit vampire le film mélange donc cette menace extérieure avec un charmant récit initiatique sur Petit Vampire, petit grincheux en linceul volant, en quête d’un ami mais aussi de ses origines. L’ensemble est donc plus classique, plus conventionnel que les albums dessinés des années 2000 qui allaient d’un sens à l’autre, sans trop chercher à s’expliquer.


Son univers est moins mystérieux, mais pas moins chaleureux. Composé de fantômes, de vampires, de squelettes et autres créatures, ce monde de la nuit fourmille, dans un ton joyeux où le macabre n’est jamais inquiétant, tout simplement différent, avec ses codes. L’imaginaire convoqué est large, et les plus vieux trouveront de nombreuses références, assez discrètes, réinterprété et reproposé avec un sourire bienveillant.


Le trait fouillis et haché de Joann Sfar des premiers albums est ici lissé, n’en gardant que quelques traits anguleux mais sans sacrifier les allures iconiques des personnages. Le Capitaine n’a pas la même stature, mais reste imposant et mystérieux, et tous les autres semblent échappés des planches. Il aurait été de toute façon sacrilège d’y toucher. Le monde des vivants est d’ailleurs bien mis en avant, principalement de jour, utilisant le cadre ensoleillé d’une ville de Province, pour mieux jouer sur les contrastes avec celui des morts. Le métrage ne fait pas semblant de proposer un cadre générique, c’est une ville française, avec ses panneaux de signalisation et ses devantures écrites en français, en espérant que cela ne lui porte pas préjudice pour une exploitation à l’international (car le film doit vivre et être vu par tous sur toute la surface du Globe).


Un grand soin est d’ailleurs accordé à l’univers sonore, comme c’était déjà le cas au sein de l’adaptation du Chat du rabbin (à voir, aussi). Olivier Daviaud collabore à nouveau avec Joann Sfar, ses compositions sont enjouées et entraînantes, elles virevoltent et nous emportent. La bande-son est fabuleuse, avec son Générique en petite pépite réjouissante. Mais il y a aussi ce doublage, avec un grand soin sur les intonations ou les accents, pour faire parler les personnages avec le plus de vie possible. Il y a quelques déséquilibres, Camille Cottin n’est guère convaincante, Jean-Paul Rouve surprend dans un tel rôle, mais Louise Lacoste et Claire de la Rüe du Can font un travail remarquable dans leurs interprétations de Petit Vampire et Michel.


Petit Vampire avait déjà eu les honneurs de s’animer, dans une série télévisée diffusée en 2004, plus respectueuse du trait de Joann Sfar mais à l’animation limitée. Cette version pour les grands écran se conforme un peu plus aux standards, mais ce qui ne l’empêche pas de briller, un comble pour un vampire (sauf pour ceux de Twilight). Entrainante et amusante, ses personnages sont attachants et hauts en couleurs, voir cette adaptation en salles est un petit plaisir qui dissipe les brouillards, qu’il faut saluer et encourager tout le monde à se précipiter dans les salles obscures (avant qu'elles ne ferment à nouveau, oups trop tard).


Heureusement, une séance de rattrapage est possible avec la réouverture des cinémas depuis le 19 mai. Il faut en profiter.


Et lire aussi les albums. Mais pas dans l’obscurité.

SimplySmackkk
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le 28 oct. 2020

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