Voie de garage
Il n'y a pas grand-chose à sauver de "The Wraith" étrangement devenu "Phantom" en français. Sorte de navet hyper typé années 80 avec ses coupes de cheveux improbables, sa BO radio FM (de Bonnie...
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le 22 juin 2015
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Il y a des films pour lesquels écrire un petit quelque chose est plus facile que nouer des lacets. Et d’autres où on tâtonne, sans savoir par quel bout le prendre. The Wraith est un assemblage de différents genres, un produit des années 1980, parfois superficiel, et pourtant captivant. Le film décontenance. Il interpelle. Vous avez souvent vu un encart « Psychologie » sur la page wiki d’un film ? The Wraith en a une.
Alors qu’on parle d’un mystérieux pilote de voiture aux pouvoirs surnaturels qui s’en prend à une bande de jeunes voyous.
Oui.
Menée par Packard Walsh, cette mauvaise troupe force les conducteurs des meilleurs bolides à participer à des courses dont l’enjeu est la voiture du perdant. Packard est l’autorité un peu tyrannique et pour qui sa petite amie est sa possession. Keri, elle, n’arrive pas à s’affirmer. Elle fait pourtant la connaissance de Jake, nouvel arrivé en ville. Nul ne sait vraiment qui il est, ni quels sont ses intentions, mais son apparition coïncide avec celle d’une mystérieuse voiture de course noire surpuissante qui force les membres de la bande à la confronter. Mais les accidents qui en découlent n’ont rien de naturel, et leurs cadavres non plus.
The Wraith se positionne au milieu d’une décennie forte de films en tôles. Il se situe entre le pessimisme de Mad Max et l’attrait pour les belles mécaniques de Top Gun ou Jours de tonnerre. Chaque membre de l’équipe a sa voiture customisée, le tout formant une réunion colorée digne d’Hot Wheels, tandis que celle du mystérieux pilote est un prototype qui a vraiment existé, qui pourrait faire penser à K2000. Mais les belles carrosseries sont des instruments de morts. Leurs courses sont assez bien filmées, mais manquent tout de même d’intensité. Les drames qui s’y jouent manquent d’impact.
C’est moins le cas des confrontations entre les personnages, qu’elles soient physiques ou psychologiques. Jake est sombre mais sensible à la beauté et au sort de Keri. Cette dernière le lui rend bien, il lui rappelle un ex-petit ami assassiné auparavant. Mais malgré ses déclarations, elle est apeurée par Packard. Il est le grand méchant, mais il est aussi décrit comme nuancé. Ses courses sont forcées mais régulières. Il aime trop Keri, d’une mauvaise manière. Ses colères sont dangereuses, et c’est comme ça qu’il domine toute une petite ville. Ce n’est pas le psychopathe meneur d’une bande de loubards. C’est un homme qui, comme les autres, s’ennuie, mais qui a décidé de lutter contre à sa façon : pour les voitures, pour Keri.
Ce triangle entre amour et colère est interprété par trois comédiens débutants sous la caméra d’un réalisateur qui l’était aussi. Si la carrière de Mike Marvin, scénariste et réalisateur de ce film, fut plus confidentielle, ce n’est pas le cas de Charlie Sheen (Jake), Nick Cassavetes (Packard) et Sheryl Fenn (Keri). La dureté des expressions de Charlie Sheen et Nick Cassavetes semblent se répondre, tous deux cachant aussi des sentiments plus tendres pour la même personne. Packard est d’ailleurs longuement à l’affiche, c’est bien lui le deuxième personnage principal et Nick Cassavetes l’interprète avec un charisme presque toxique.
Le film parle d’émois de jeunes gens, et de la dureté des relations. La relation possessive de Packard est toxique, tandis que Keri pleure toujours un amour perdu. Un des lieux principaux du film est un fast-food. Entre la fascination pour la vitesse, les amours et sentiments contrariés, c’est aussi un portrait en creux de la jeunesse américaine de cette époque qui se dessine.
Mais pas trop. Le mystérieux pilote, avec sa voiture, sa combinaison et son arme, n’aime pas seulement le noir, mais l’allure générale est futuriste, presque science-fictionnelle. Les quelques pouvoirs qu’il possède sont en dehors de toute considération. La quête de vengeance est présentée du côté de la bande de Packard qui en est la victime. Le film prend l’allure d’un thriller, horrifique, de SF ou d’action, peu importe. Les chasseurs deviennent des proies, une par une tuée.
C’est aussi l’un des mérites du film, d’utiliser à bon escient le mystère crée autour de cette figure vengeresse et surnaturelle, qui ne fait pas tomber la foudre mais fait parler son moteur. Malgré son allure curieuse, presque ridicule, chacune de ses apparitions est redoutable. Si son identité est vite transparente, il reste encore une bonne poignée de questions qui agite encore Internet. Tout ne sera pas dévoilé, et c’est probablement mieux ainsi, les réponses auraient pu être décevantes.
Que je ne vous induise pas en erreur. The Wraith n’est pas une petite production des années 1980, son budget se compte en quelques millions. La bande-son reprend un paquet de titres de stars de cette époque, avec Ozzy Osbourne (Secret Loser, très bon), Robert Palmer, Mötley Crüe, Bonnie Tyler, Billy Idol, ou d’autres. C’est un peu rentré au chausse-pied puisqu’il n’y a pas moins de trois chansons à la suite lors des dix premières minutes mais il y a des bonnes choses, si on aime le rock un peu pop de ces années. A bien des égards, The Wraith est une production des années 1980, avec cette bande-son, ce soleil, cette jeunesse, ces cylindrées. Mais il a un côté sombre et pessimistes qui le distingue.
Vous trouverez parfois catalogué The Wraith comme film d’action ou film de SF, et il est bien l’un et l’autre, mais il est aussi plus que ça, en piochant dans le teen-movie ou le thriller. S’il faut le considérer comme un agglomérat de différentes influences, on pourrait affirmer que toutes ne se valent pas. Mais il faut penser le film comme un tout, tant il possède une personnalité certaine. Le mélange pourra désarçonner, évidemment, toutes les critiques ne sont pas positives, mais il est bien plus qu’un film de série B comme son histoire pourrait le laisser entendre, une histoire de pilote surnaturel qui tue des gens. Peut-être que l’effet de surprise ne survivrait pas à un deuxième visionnage. Mais pour qui se laisse entraîner, c’est une sacrée virée.
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Créée
le 19 janv. 2020
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