C'est le premier film de De Palma que j'ai vu et quelle claque ca avait été. La première scène donne le ton, c'est grandiose, ridicule et cruel en même temps (les paroles de la première chanson sont horribles). De Palma filme très bien ses personnages, Swan le premier qui est présenté dès le début comme un roi au milieu de sa cour (ou non justement, il la surplombe derrière un miroir à la vitre teintée) et qui décide par ses applaudissements parcimonieux du sort du groupe qui joue.
De manière générale, ses plans qu'ils soient en mouvements ou fixes sont toujours riches, ce qui permet au film d'aller très vite ce qui se ressent dans la durée du film. Je pense à cette première scène ou Winslow installe son matériel pendant que Swan et son larbin parle de leurs prochaines actions au premier plan. Je pense aussi à cette scène où Winslow en arrière-plan monte les marches en bondissant, tout joyeux, en même temps que les autres chanteuses lorsqu'elles se font appeler par l'un des sbires de Swan.
Quand la caméra bouge c'est aussi très bon. On a déjà cet usage du fameux split screen de De Palma où l'on suit la voiture. Mais quand c'est moins flamboyant c'est aussi très réussi comme par exemple lorsque l'on fait lentement le tour du salon ou les groupies de Swan sont réunies et où l'on découvre Winslow qui s'est travesti.
Les scènes entre Winslow et Swan fonctionnent très bien. Le costume et la taille de Winslow le rendent objectivement terrifiant, et lorsqu'il est mis à côté de Winslow, beaucoup plus petit, il est évident qu'il pourrait en venir à bout. Et pourtant malgré cette différence c'est bien Swan qui domine les échanges (d'ailleurs au début du film Winslow n'est plus en mesure de parler). De Palma ne cesse de rendre palpable la dangerosité et la monstruosité de Winslow qu'il nous avait introduit par son panneau introductif.
Comme on peut le remarquer dans ses autres films, De Palma aime filmer la technique. Dans ce film c'est particulièrement jouissif, lorsque Winslow qu'on pourrait prendre pour un simple producteur de génie ne recherchant que le profit, se révèle également un technicien hors pair en rendant sa voix à Winslow. Les fils de toutes les couleurs, Swan qui ajustent les boutons et la voix magnifique de Winslow qui se précise au fur et à mesure. Et puis bien sûr les scènes dans lesquelles Winslow visionne les bobines dont personnellement je n'ai pas été fan.
Les chansons sont toutes très bonnes et très bien mises en scènes en donnant à chacune une dynamique particulière. Certaines sont filmées de manière très classique comme Old Love, certaines sont excentrique comme lors de l'ouverture du Paradis. Pour Faust, la chanson de Winslow on a droit à un traveling circulaire qui nous montre toute la passion de ce drôle de type.
Il y a toujours de petites trouvailles comme les citations (on pourrait s'en passer mais dans la générosité du film ca passe bien) mais surtout ce découpage du public dont je ne sais toujours pas s'il existe dans la diégèse du film (j'espère que c'est le cas !). Je ne sais pas si le maquillage style "gothique" des chanteurs existait à l'époque mais ca fonctionne également très bien.
Bref je trouve que chaque scène est magnifique, même si je suis un tout petit plus dubitatif sur le dernier quart d'heure.
Et avec cette musique de fin, peut-être la plus belle avec celle jouée par Winslow, De Palma sait aussi nous laisser un souvenir mémorable.