Regarder Phantom of the Paradise, c’est avaler d’un trait un cocktail explosif préparé par un barman sans scrupules et survolté, ayant versé dans un shaker rococo plastique à froufrous le contenu de bouteilles emblématiques étiquetées "mythe de Faust", "fantôme de l’opéra", "portrait de Dorian Gray", le tout noyé dans un grand jet de pop-business seventies clinquant.
Résultat : la gorge brûle, les yeux s’écarquillent, se plissent compulsivement jusqu’aux larmes, ça fouette le corps et l’esprit, et tu commandes immédiatement une seconde tournée, puis une troisième, l’ivresse doit être totale.
L’histoire de Phantom of the Paradise lâchée au galop manque toujours de trébucher dans sa course folle scénaristique. Pas de fioritures, tant à raconter, tant de portraits à dresser, sans oublier de pourfendre le milieu implacable du showbiz (de l’époque), dépeint dans une mise en scène à la grandiloquence aussi chatoyante qu’inquiétante.
L’atout majeur de ce film (qui n’en manque pas) est bien entendu la musique signée Paul Williams, sorte de pot pourri improbable évoquant tour à tour le son des Beach Boys, l’orchestration rock de Supertramp et la théâtralité de Kiss. Chaque passage chanté est un petit bonheur en tant que tel, avec au sommet une scène extraordinaire "d’accordage de voix" que je vous laisse découvrir…
Tornade musicale et visuelle, Phantom of the Paradise est une gourmandise pelliculaire, orgiaque, que Brian de Palma a certainement du réaliser sous acides. Tant mieux. Je veux le nom de son dealer.
Update : plus je le vois, plus je l'aime ce film. Je l'aime encore plus malgré ou peut être à cause ses quelques imperfections : des figurants parfois peu impliqués, les trésors d'imaginations qui masquent un budget terriblement modeste par rapport à la grandiloquence visée qui accouche de décors en carton, sa bande son mal dosée jusqu'à l'excès (après revisionnage via système sonore adéquat, c'est encore plus frappant, c'est mixé avec le doigté de Hulk portant des moufles. Je vous rassure, la musique reste merveilleuse, un délice). Il n'y a pas une scène à retrancher ne serait-ce que d'une seconde, pas un plan qui ne soit pas une friandise...
Du coup, baste, ça mérite bien un dix de cœur si ce n'est de raison.