Je crois que De Palma hante mes jours, s'immisce dans mes nuits. Passer d'un Blow Out, d'un Dressed to Kill, ou même d'un Carrie, à Phantom of the Paradise, c'est s'écœurer au cliché, quand on croyait qu'on n'en pouvait déjà plus.
Mais le cliché poussé à bout c'est ce qui fait le plus de sens, c'est ce qui met en avant toute une facette qu'on n'oserait pas montrer. C'est vraiment dégouter, montrer la face la plus immonde des choses pour mieux les avouer. Le glam-rock complètement hors de proportions, sans limites, ne peut être meilleur terrain de jeu.
Pourtant le tout reste subtil, sachant prendre son temps, le long d'une chanson, même de quatre minutes simplement filmée en travelling circulaire, une même performance, un même piano. Parce qu'on a pas besoin de plus, juste la voix déraillée de William Finley, qu'on soupçonnerait même de sonner faux. Pourquoi le cliché paraît-il seulement subtil ? Si la perfection du Paradise, que Swan veut atteindre, veut dire s'engouffrer dans la musique, la plus écoutée, augmentant simplement un chiffre d'affaires, c'est s'engouffrer dans le cliché. Ce film, c'est atteindre la perfection comme on nous la dicte, en fixant des idéaux, en se projetant par rapport aux autres, à des topoï musicaux. Jusqu'à ce qu'un artiste au nom des plus ridicules, comme Winslow Leach, s'en dégage pour pouvoir, paradoxalement, à son tour y rentrer.
Pas de demi-bonnette, quelques jeux de miroirs qui ornementent le film, laissant De Palma à l'écart. Le réalisateur se fond dans son film plutôt que d'y inscrire les marqueurs qui, à la longue, ne forment qu'un copyright plutôt qu'une réelle intention, une intervention qui sert au sens, à l'interprétation du propos. Une nouvelle fois, le décousu de De Palma, qui semble parfois laisser sur sa faim ; ellipses abruptes qui coupent le film dans son élan, comme, au début, ellipse de quelques mois, ne me dérangent pas spécialement. La débauche d'un monde qui va à cent à l'heure et pourtant n'avance pas assez vite pour Leach qui attend des mois, pour une réponse, pour être à nouveau sur pieds et enfiler son costume qui donne l'impression de le regarder à travers un miroir déformant en permanence, et préparer sa vengeance, pour écrire ; le tout est une sorte de double temporalité qui fonctionne, qui coopère presque, comme Swan et Leach, qui ne va réellement que d'un seul sens.
Compliqué de défaire le style comédie musicale qu'on connaît aujourd'hui, de défaire les "on dirait une chanson Disney", à cause des choeurs, et autres mécanismes. Là tout semble si simple, c'est juste de la musique dans un film, il ne faut pas chercher plus loin, et cela s'accorde tellement bien, juste d'écouter les voix.
En tout cas, Phantom of the Paradise, c'est trop top, tellement enivrant.