Ca ne va pas plaire à tout le monde, mais je trouve dommage qu'on se souvienne surtout de Jonathan Demme pour "Le Silence des Agneaux" alors que son "Philadelphia" est non seulement plus abouti mais constitue également une oeuvre capitale pour les représentations à la fois au cinéma et plus encore dans la société américaine (et occidentale par extension).
Dans la ville qui a vu les premiers pas de la démocratie yankee et de ses valeurs d'égalité, Demme démystifie l'image de la folle véhiculée jusqu'ici avec plus ou moins de réussite par Hollywood et fait sauter les tabous sur l'homophobie. Il montre la réalité du SIDA, si ce n'est sans détours, au moins en la regardant en face, en serrant ses plans au plus près des visages, jusqu'au malaise. Sa caméra se calque sur les soubresauts émotionnels de Beckett, comme dans cette scène hallucinante de "La mamma morta". Hanks y est phénoménal, suppléé par Denzel dans un duo dont le naturel n'étonne même plus.
Reste en contrepartie un côté parfois trop démonstratif, qui rend certains personnages secondaires moins crédibles (la famille ultra-compréhensive, la juriste qui témoigne contre son cabinet), et surtout une fin un peu trop facile. Mais rien qui n'atténue la forte émotion qui se dégage du film, ni sa capacité de conviction, même 20 ans après.