Quel regard porter sur ce conte universellement connu ? Que nous raconte encore cette histoire de marionnette en bois désirant devenir un vrai petit garçon ? Matteo Garrone, à qui l'on doit les précieux Gomorra et Dogman, relève le défi avec une version italienne baroque et onirique. Techniquement irréprochable, Pinocchio revêt une forme très lisse, aux couleurs vives mais à l'esthétique presque "burtonienne". Sans grandes surprises, on retrouve l'aventure que l'on connait : de la création du pantin par Gepetto à sa disparition, sans oublier ses malencontreuses rencontres qui forgeront son caractère intrépide et insouciant. Le début est plaisant car étrange et singulier. En effet, ce lien filial entre un Pinocchio bien plus impertinent et un Gepetto bien plus touchant marque un point de départ intéressant, émerveillant les plus jeunes. Mais dès les premières péripéties, l'univers s'assombrit tout en restant soigné et élégant. On sent que cette adaptation sera bien éloignée du Disney enchanteur que tout le monde connait. Mon sourire d'enfant nostalgique a donc lentement laissé place à un regard gêné, troublé, pour ne pas dire effrayé. J'avais l'impression de regarder L'histoire sans fin ou Dark Crystal tant l'atmosphère est malaisante et les maquillages sortis d'une autre décennie. C'est comme si les effets visuels s'étaient contentés des moyens d'il y a trente ans pour confectionner leur univers, avec une image digne des meilleures productions actuelles. Ce mélange entre réalisme et fantastique donne un résultat bizarre, onirique certes, mais pas du tout attrayant voire carrément laid. Certains personnages font peur (le thon, l'escargot, les marionnettes...) et d'autres sont anecdotiques (le criquet et la fée bleue manquent à l'appel !). A noter aussi un rythme d'ensemble inégal avec de bonnes longueurs et un humour italien pas très communicatif... C'est dommage car les acteurs sont bons, notamment les binômes Roberto Benigni/Federico Ielapi ou encore le Chat et le Renard qui fonctionne très bien. En ôtant cette couche carnavalesque épaisse, il nous reste le squelette originel de Carlo Collodi, récit initiatique et moralisateur d'une jeunesse préférant les jeux et l'aventure au travail et aux règles. Hormis un énième duplicata du conte, ce Pinocchio déprime sans trop remettre au gout du jour son propos.