Après avoir lui-même endossé le rôle du petit pantin turbulent, Roberto Benigni revient à présent en tant que Gepetto, le papa de Pinocchio (le temps passe pour tout le monde), sous la direction de Matteo Garrone qui est maintenant rodé au format du conte (Tale of Tales...). Mais ce nouveau Pinocchio nous fait hésiter sur le public-cible visé : les adultes seront ravis par la poésie qui se traduit visuellement par des animaux (en morphing bluffant de réalisme) aux tailles étranges et anthropomorphes (voyez l'Escargot) et la fidélité du récit au livre de Carlo Collodi qui nous éloigne des sentiers connus du Disney. Et à l'inverse les enfants tiendront difficilement les plus de deux heures que dure le film, ne comprendront pas forcément tout ce qui se dit, mais se voient destiner tous les passages d'émotion assez faciles et les gags (trop rares) un peu enfantins (les bêtises à l'école...). Mais comment ne pas succomber à ce conte qui reprend (enfin) les pages de Collodi, qui ose montrer de front les mauvais traitements infligés à l'âne (un pincement au cœur, tout de même, lorsqu'il s'agit d'un vrai animal qui saute au milieu du cerceau de feu...), et comment ne pas adorer Benigni en Gepetto tendre et au cœur trop grand pour lui, lui qui a su nous faire rêver et pleurer dans le passé (subjectivement, son Pinocchio était une réussite, malgré l'avis général qui n'avait pas apprécié le film à sa sortie). Les effets spéciaux sont vraiment irréprochables sur le visuel des personnages, et le final aurait pu aller plus avant dans les sentiments (pour une fois) que cela ne nous aurait pas déplu (l'embrassade filmée à deux cents mètres est un peu limitée en terme d'émotions...). Et on a bien rigolé des deux compères Renard et Chat, non pas que leur humour poussif fonctionne, mais ils ont des faux airs - peu flatteurs - des Chevaliers du Fiel. Ce petit Pinocchio, en revanche, est assez casse-pieds mais suit le modèle original (insupportable) du livre de Collodi. Cette version 2020 peine donc à suivre scrupuleusement le livre tout en essayant de garder son public le plus jeune, mais constitue tout de même un joli retour aux sources italiennes de l’œuvre. Casa, dolce casa...