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Pinocchio
7.1
Pinocchio

Long-métrage d'animation de Guillermo del Toro et Mark Gustafson (2022)

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Il a fait de son mieux. Et c'est le mieux qu'on puisse faire.

Quand on lui demande d'où vient cette fascination pour le mythe de Carlo Collodi, Guillermo del Toro compare le pantin de bois à la créature de Frankenstein. D'une pierre deux coups, le réalisateur mexicain fournit une clé de lecture à Pinocchio et à sa filmographie peuplée de freaks en tout genre. La logique voudrait qu'on le rapproche du récent Nightmare Alley. Il y a plusieurs passerelles entre les deux longs-métrages, mais pas autant qu'avec L'Échine du Diable ou Le Labyrinthe de Pan. Del Toro ne se ferme pas au jeune public mais le crédo n'a pas bougé : montrer la collision entre l'enfance et un monde d'adultes.


Le choix de la stop-motion fait directement écho à Pinocchio, pièce d'artisanat dans laquelle s'est infiltrée la vie. Le design s'éloigne donc logiquement du petit garçon pour aller vers une forme plus originale, à mi-chemin entre le pantin articulé et la créature indéterminée (un freak donc). Quelque chose que l'œil perçoit comme fait main, solide, concret jusque dans ses imperfections. Avoir un joli procédé (et il est magnifique) ne suffirait pas, c'est pourquoi la fable a été volontairement située dans une époque spécifique. Le spectre de la guerre hante le cinéma de Guillermo Del Toro, il place son Pinocchio dans l'Italie de Mussolini et ce n'est pas anodin.


Outre ce retour au bercail (le conte fut signé par Carlo Collodi), le long-métrage d'animations prend appui sur ce contexte pour renverser le point de vue. Ainsi, le regard s'attarde beaucoup sur de grandes personnes coupées de leur innocence d'antan. On y croise un maire fasciste prêt à envoyer son jeune fils à la guerre, un Monsieur Loyal faux-jeton et cupide, un prêtre mielleusement intolérant. Dans une moindre mesure, le film met également Geppetto face à ses responsabilités parentales. Signe supplémentaire de cette réinvention, Sebastian J. Cricket qui adopte une ligne plus philosophique que professorale. Concernant Pinocchio, l'idée de génie est de revenir aux sources tout en faisant un pied-de-nez au conte moraliste de Collodi.


On imaginait difficilement Guillermo del Toro se vautrer dans le conformisme, et on a bien fait. Lui et Mark Gustafson jouent des ambiances, opèrent quelques percées musicales ou oniriques et de pures bouffées d'émotions. Cependant, le coup de force repose une nouvelle fois sur la réinterprétation du mythe, vantant l'esprit de fronde du petit être face à un moule dans lequel on aimerait le coincer. Dans un savoureux retournement de table, la désobéissance et les bêtises deviennent l'essence même d'un bien à chérir face à des règles dogmatiques tout juste bonnes à cloisonner les esprits. L'expression d'une enfance dont il faut conserver une part afin d'embellir son monde.


Oubliez le dernier remake en plastoc servi par Disney, la paire Del Toro/Gustafson vous montre de quel bois elle se chauffe. Il ne s'agit pas tant d'une relecture que d'une réappropriation. Les quatorze années de développement en valaient la peine. Guillermo del Toro a accouché d'un film à son image : parfois sombre, parfois drôle, toujours poétique. Et terriblement tendre. Il parait que cette année, on a vu débarquer deux Pinocchio. Pour le bien de tous et par respect pour Robert Zemeckis, on va gentiment l'oublier et se dire que le seul et vrai film est arrivé juste à temps pour boucler l'année 2022.

ConFuCkamuS
8
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le 9 déc. 2022

Critique lue 42 fois

6 j'aime

ConFuCkamuS

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