La flamme et le pantin
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le 12 déc. 2022
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Cela fait plaisir de voir que l'année 2022 a donné une bonne version du conte avec le pantin de bois le plus célèbre au monde. Et cela fait plaisir aussi de voir que Guillermo del Toro est capable de faire transparaître sa patte unique en adaptant l'histoire de Carlo Collodi, de la modeler à son propre style. Oui, vous aurez compris que j'ai aimé.
Allez, je balance tout de suite les quelques bémols pour pouvoir, après, m'épancher sur les belles qualités de l'oeuvre.
D'abord, personnage de Gepetto, comment tu peux savoir que ton fils est mort juste en restant devant la porte de l'église qui vient de se faire pulvériser par une bombe aérienne, donc en ruine et en flamme ? OK, les chances de survie sont très minces, mais la scène aurait été bien meilleure si le père était rentré dans le lieu, en dépit des risques, pour découvrir avec horreur qu'il vient de subir la pire chose qu'un parent puisse connaître (même en se contentant de filmer sa réaction, sans montrer le corps !).
Ensuite et pour finir, la musique et les chansons ne sont pas particulièrement mémorables. Elles ne sont pas gênantes, mais il n'y a rien pour en faire des créations remarquables qu'on a envie de réécouter en boucle.
Bon, allez, sans plus attendre, les qualités...
L'animation en stop-motion "à l'ancienne" et la beauté de la simplicité des décors sont un régal de poésie artisanale (dans le plus noble sens du terme !). Et on sent la matière. On sent que Pinocchio est réellement un pantin de bois, par son apparence, par ses mouvements (s'écartant ainsi des studios Disney qui le rapprochait plus de l'humain, même avant qu'il ne devienne un petit garçon de chair et d'os !). Cela insuffle une impression de réalité.
Pour ce qui est de l'autre monde, avec une pointe d'inspiration visuelle à la Cocteau, del Toro retrouve l'inspiration, faisant la grande richesse d'oeuvres majeures du cinéaste comme Le Labyrinthe de Pan ou de L'Echine du Diable, avec ses univers fantastiques inquiétants, ses créatures angoissantes par leur aspect, bienveillantes par leur comportement.
En effet, grande thématique récurrente chez le Monsieur, ce n'est pas là qu'est le danger. Au contraire, c'est souvent même là qu'est une partie du bien, parfois même la solution. Le danger réside chez les vivants, chez les êtres humains. Et il y a de la matière quand on situe les mésaventures de celui qui voulait être un vrai petit garçon dans l'Italie de Mussolini. Et ce contexte est très bien intégré à l'ensemble (comme pour la guerre civile espagnole dans L'Echine du Diable et dans Le Labyrinthe de Pan !). Ce n'est pas gratuit. Ce n'est pas plaqué n'importe comment. Cela sert l'intrigue. Le meilleur exemple que je puisse citer, pour appuyer mon propos, c'est ce que del Toro fait de l'Île aux Plaisirs en le transformant en camp d'entraînement militaire pour futurs jeunes serviteurs du Duce. Jouer à la guerre, c'est amusant, mais la véritable guerre ne l'est pas du tout. On passe brutalement de l'amusement au cauchemar.
Oui, ça fait partie du récit d'apprentissage du protagoniste. Parce qu'il ne faut pas oublier que Pinocchio, c'est une quête initiatique, lors de laquelle un être agaçant par son insouciance et par son inconséquence devient, petit à petit, attachant en s'améliorant, en prenant conscience des choses, en pensant aux autres avant de penser à soi-même, en comprenant de ses erreurs pour devenir meilleur.
Et il y a aussi l'acceptation d'un père en deuil (situation que les premières minutes du long-métrage prennent le temps de bien introduire !) qui apprend à revivre en retrouvant ce qu'est l'amour filial. D'ailleurs, dans cette optique, la séquence de la création du pantin est beaucoup plus proche du Frankenstein de Mary Shelley que de la féerie disneyienne (ce qui colle à la perfection à la patte del Toro !). Ce qui prépare bien au fait que, dans un premier temps, le créateur rejette sa créature, parce que cette dernière a le "tort" de ne pas être comme le défunt fils du premier.
Et j'ajoute que la fin, touchante et profonde, est surprenante. Je n'en dis pas plus.
Quant au casting de voix, il a sérieusement de la gueule et qui ne contribue pas peu à retransmettre les émotions de leur personnage (même si, je le reprécise, l'animation assure à fond !). Ewan McGregor, Ron Pearlman, le fidèle des fidèles du réalisateur, David Bradley, Tilda Swinton, Cate Blanchett, Christoph Waltz, John Turturro, la vache...
En résumé, Guillermo del Toro a réussi à transformer un conte célèbre, que Disney s'était pourtant approprié dans l'imaginaire collectif (en en enlevant une grosse louchée de sa noirceur !), en un résultat original et bien personnel, s'adressant aussi bien aux adultes qu'aux enfants. Bordel que ça fait plaisir à voir. Qu'il est souvent bon de laisser faire les artistes avec une âme...
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Créée
le 10 déc. 2022
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