Stooop! On arrête tout. Un film français avec de hautes ambitions artistiques, parlant de cinéma dans les années 40, s'inspirant de faits réels forts intrigants et s'offrant les services d'une star internationale ? Rien que pour ces quelques raisons, je dis oui et pas qu'un peu. D'ailleurs, la première moitié m'a souvent conforté dans ce ressenti très bienveillant : cette histoire mêlant spiritisme, septième art, relations sororales et sentimentales complexes fait belle impression, l'ampleur de la mise en scène de Rebecca Zlotowski et l'incroyable qualité des décors comme de la photographie illuminant une œuvre au rythme un peu lent sans pour autant être ennuyeux. Se retrouver à la fois plongé au cœur de l'Histoire comme de l'industrie cinématographique, c'est faire preuve de beaucoup d'audace, voire de courage à une époque où la facilité est presque constamment le maître-mot.
Malheureusement, ces indéniables qualités sont quelque peu remises en cause dans la seconde moitié : alors que tout semblait jusqu'alors maîtrisé, cohérent, notamment à travers ces deux médiums peu à peu
« dépossédés » de leur don pour devenir avant tout des comédiennes (surtout l'aînée, la plus jeune se retrouvant vite dans l'ombre),
la machine s'enraye. Ou plus exactement, elle ne tourne plus. En effet, alors que Zlotowski et son scénariste Robin Campillo pouvaient jusqu'alors s'appuyer sur une matière solide, on a l'impression qu'ils n'ont quasiment plus rien à raconter pendant plus de trois quarts d'heure, ce qui fait évidemment beaucoup.
Certes, le visuel est toujours aussi splendide, et quelques passages (notamment le « flashback » impliquant le père d'André Korben) réussis permettent de maintenir un relatif intérêt jusqu'au bout. Mais niveau histoire, si ce n'est par l'évolution du lien unissant Laura et André ou le poids de plus en plus grandissant de l'antisémitisme, difficile de vous dire ce qu'il s'y passe vraiment, continuant sans réel entrain les thèmes abordés précédemment, si ce n'est, peut-être, à travers une fin douce-amère et plutôt touchante.
Côté interprétation, Natalie Portman fait preuve d'une belle sensibilité à défaut d'être aussi mémorable qu'espéré, éclipsant toutefois aisément une Lily-Rose Depp m'ayant déçu et que je découvrais pour la première fois. Le grand acteur ici est incontestablement Emmanuel Salinger, dans un rôle complexe, subtil, s'inspirant librement de Bernard Natan : il est exceptionnel. Du bon et du moins bon, donc, notamment due à une très nette perte de densité sur la durée, mais dotée de qualités plastiques tellement hors-normes et s'attachant à une période cinématographique si riche que je ne peux que m'y retrouver un minimum. Cela écrit, si la réalisatrice veut aller jusqu'au bout de ses audaces la prochaine fois, qu'elle ne se prive surtout pas...