C’est le dernier film dans lequel apparaît physiquement Gaspard Ulliel (ses véritables adieux au cinéma passent par l’intermédiaire de sa voix qu'il prête à une poupée dans Coma de Bertrand Bonello !). Donc involontairement, on ne peut s’empêcher de voir la scène finale de Plus que jamais d'Emily Atef avec une émotion n’ayant pas uniquement quelque chose à voir avec ce qui est raconté à l’intérieur même du récit.
En plus, ça parle de mort, celle prochaine de l’héroïne (incarnée excellemment par l’actrice luxembourgeoise Vicky Krieps !), touchée par une grave maladie des poumons.
Alors l’ensemble est divisé en deux parties. La première que l’on peut appeler “bordelaise” puisque ça se déroule à Bordeaux. Et la seconde “norvégienne” parce que ça se déroule ? Ça se déroule ? En Norvège, bravo, vous avez gagné mon estime éternelle.
La partie bordelaise montre la protagoniste, confrontée aux regards de ses proches, qui ne savent pas comment se comporter avec elle et elle-même qui ne sait pas comment se comporter avec eux. C’est une situation délicate, complexe, lors de laquelle on n’a pas envie de juger qui que ce soit. C’est ce que met bien en relief cette moitié du film. Est-ce que l’on ferait mieux soi-même dans de telles circonstances, d’un côté comme de l’autre ? J’en doute.
Après cet enfermement physique et psychologique, la seconde partie, ayant pour cadre les magnifiques fjords du pays d’Ibsen, apparaît comme une véritable respiration. La nature sauvage n’en a rien à foutre de vous. Et pour un gros besoin de solitude, de recueillement sur soi, pour réfléchir à des choix difficiles, ça aide. Par contre, ça n’aide pas du tout si les effets du mal se font dangereusement sentir.
Les films sur les personnes qui vont bientôt passer dans l’autre monde, parce que leur corps les trahit fatalement, sont nombreux. Ce qui a pour conséquence que c’est difficile de se distinguer dans cette espèce de sous-genre cinématographique. Plus que jamais prend vers le parti-pris de ne jamais s’éloigner de la vision de son personnage principal, de toujours collé à elle du début à la fin. Les autres ne sont là que par l’intermédiaire de cette vision. Enfin, il y a une exception un peu illogique qui est celle de la toute dernière apparition du Norvégien la logeant (enfin, il y en a une autre, cette fois, lors de la partie bordelaise, avec le mari, joué par Ulliel, se défoulant en boîte de nuit, mais elle n'est pas autant gênante en comparaison !). Séquence lors de laquelle elle est absente. Pourquoi s’éloigner de cette vision alors que cette dernière apparition aurait pu tout à fait être “aménagée” autrement, sans s’éloigner du regard de la moribonde ?
Quitte à le faire, il aurait fallu le faire plus souvent pour que cette exception ne paraisse pas incongrue, mais aussi et surtout pour la raison que le scénario jusque-là avait rendu ce personnage de logeur important. L’écriture avait développé quelques aspects de sa personnalité, exposé quelques points de son passé (par ce biais même, on en apprend plus sur les lieux où l’héroïne s’isole, leur donnant plus qu’un certain côté carte postale !). Malheureusement, ce n’est pas du tout exploité jusqu’au bout (quitte à faire durer une demi-heure de plus, ce n’est pas le problème !) et c’est dommage. Cela aurait pu donner encore plus de consistance au tout et lui insuffler cette originalité pour le distinguer des autres œuvres du “sous-genre”.
Cela reste un film touchant, sobre, avec de très bons comédiens. Objectivement, c’est plus qu’honorable. Mais il lui manque ce petit plus identifiable pour qu’il soit plus mémorable, pour qu’il fasse réellement la différence.