Séance en famille, pendant laquelle on m'a demandé de choisir le film. Depuis le temps, je commence à avoir un DVDthèque assez conséquente, donc je sors un assortiment, et pour contenter tout le monde, y compris ma nièce (grande déjà) réfractaire à tout ce qui est vieux film (ça lui passera peut-être), je finis par choisir Point Break. Choix judicieux, car il aura (vraiment) plus à tout le monde.
C'est que, à revoir Point break avec un plaisir intact, celui-ci s'avère un film musclé, rythmé et bien construit. On y suit les aventures de Johnny Utah, jeune agent fédéral dont le collègue blanchi sous le harnais est persuadé qu'un gang professionnel de braqueurs de banques sont en fait des surfers. Alors Johnny Utah va apprendre à surfer pour infiltrer le milieu.
La représentation des personnages pourrait être banale, à première vue. Et pourtant... Sous les apparences testostéronées du film se cache un questionnement plus pernicieux.
Commençons par le personnage de Johnny Utah, qui prend de plus en plus plaisir à surfer. Ancien footballeur dont une blessure a mis fin à la carrière, son entrée dans le FBI tient de la continuation du jeu. Ainsi son entraînement de tir sur cible au début du film, monté en parallèle avec ces images de surf, ressemble passablement à une séquence de jeu vidéo. Quant à son allure de surfer lorsqu'il se rend au boulot avec sa planche, elle enfonce largement le clou. Donc pour les hommes, appartenir au FBI fait partie d'un jeu, et cette masculinité caricaturale et exacerbée n'est qu'une représentation pour la partie en cours.
Opposé, si l'on peut dire, à Johnny Utah, il y a le personnage du Bodhisattva. Toujours prêt à assener ses aphorismes façon gourou de secte, charisme peroxydé, confiance en soi, il a tout également du male alpha. Mais là encore, le personnage est plus profond : son hypocrisie, y compris envers lui-même, va être dévoilée de plus en plus. Pour lui aussi, le surf va apparaître au fur et à mesure que l'intrigue avance comme un exutoire, un simple jeu à l'enjeu majeur. Il est d'ailleurs adepte de chute libre, comme tous ses copains. C'est qu'en surmontant le danger, on prouve enfin qu'on est un homme. Quant à son rôle de gourou sage, il dévie salement lorsque survient l'obstacle. Sous les apparences se révèle ce qu'il est réellement, et ce n'est plus très beau à voir.
Le gang des braqueurs sont aussi des joueurs. Affublés de leurs masques d'anciens présidents, ils s'amusent manifestement, comme le montre le premier braquage.
Mais s'il y a bien un point commun entre tous ces joueurs, c'est qu'ils sont mauvais perdants, et dès lors la défaite, ou sa simple possibilité, vont révéler les véritables caractères.
Ainsi Kathryn Bigelow, sous couvert de mettre en scène le cliché des jeunes culturistes badass, révèle au contraire la faiblesse de ses personnages, loin de l'honneur et du respect mutuel de films comme Heat, sans pour autant que le film y perde de son rythme trépidant et de son action jouissive.