Un fouillis narcissique qui accumule les maladresses
Titre du film : Polisse, le mot police maladroitement écrit par des enfants. Sujet du film : Le quotidien d'une brigade de protection des mineurs. Angle du film : Rendre compte de la réalité d'une brigade de protection des mineurs qui n'a qu'un but, secourir et protéger les enfants.
Oui, mais voilà, où sont les enfants ? Le film parle à peu près de tout, sauf de nos chers chérubins. Ou très peu et de façon moqueuse lorsque, par exemple, les collègues de la brigade sont pris d'un fou rire devant une adolescente qui affirme « avoir sucé » pour récupérer son téléphone portable. A force d'éviter le véritable sujet et enjeu du film, Maïwenn tombe dans une chronique policière peopolisée, faite de lieux communs et de clichés sociaux.
Car, au risque de se répéter, le sujet du film n'est pas les enfants, mais les stars du casting. De Marina Foïs à Karin Viard en passant par JoeyStarr (depuis quand écrit-on ce nom tout attaché ?), chacun tente à tour de rôle de tirer sur lui la couverture. Le personnage de JoeyStarr est révélateur tant Maïwenn tend à lui donner une épaisseur dramatique faiblarde (au cours du film, il passe pour le seul être humanisé qui se révolte contre la hiérarchie et l'influence de certains personnages, aussi salauds soient-ils) et une prépondérance trop appuyée. Son histoire d'amour avec Maïwenn frise le ridicule.
Maïwenn multiplie pendant le film les sujets, notamment sur la fin qui s'éternise et qui est révélatrice de cet afflux incessant de thèmes que la réalisatrice a voulu aborder sans trop de subtilité. C'est comme si elle avait préparé une liste de dénonciations à exprimer, comme un cahier de doléances : la banalisation de la violence, la précocité de la sexualité, l'impunité des plus influents hommes de ce monde, la polygamie, le sort réservé aux femmes par les musulmans radicaux... Tout ceci aboutit à un foisonnement de clichés sociaux dont le sommet est atteint dans la scène où une policière s'en prend à un musulman quelque peu extrémiste, lui déversant au visage sa rage et son incompréhension, finissant par sortir le Coran de son casier pour témoigner de sa bonne foi, prenant au piège son adversaire. La fin s'éternise, multipliant les affaires pour les policiers comme pour montrer que la pédophilie est partout, dans tous les milieux sociaux. D'ailleurs, la présence pour une courte scène d'un Chinois semble vouloir illustrer que la pédophilie n'épargne personne : l'Occident comme l'Orient en est victime. Affligeant.
Quant au personnage de Maïwenn, il est censé représenter le spectateur puisqu'elle joue une photographe prenant des clichés (pléonasme volontaire) pour les besoins d'un reportage. Mais quel est le genre du film alors ? Non seulement Polisse s'enlise dans un fourre-tout de sujets mais en plus, le film n'arrive pas à se définir : documentaire, docu-fiction, sitcom (filmé comme telle, blagues salaces sont légions dans les dialogues et font rire la salle sur un sujet si délicat), tragédie, comédie, tragi-comédie... On ne sait pas mais, pire, la réalisatrice ne semble pas non plus savoir.
Enfin, quand on commence à s'intéresser au sort des enfants, ce n'est que sous un angle choquant ou misérabiliste : on démembre un camp de roumains et on montre ensuite les enfants danser dans le bus qui les mène à l'orphelinat, on fait tomber un bébé des bras de sa mère droguée, on montre un enfant arraché des mains de sa mère car lui seul a pu obtenir une place dans un foyer d'accueil. Les scènes sont poignantes certes mais gratuites, et surtout sans suite. Car, ces scènes montrent sans doute la réalité mais on aurait aimé voire ces mêmes enfants par la suite, pouvoir s'attacher à eux et suivre leur destin. On aurait aimé voir se créer une alchimie entre les enfants et les policiers (de ce point de vue, le film atteint cet objectif une seule fois lorsque JoeyStarr console le jeune homme qui vient d'être séparé de sa mère). On aurait aimé quelques minutes avec les roumains dans le centre d'accueil plutôt que de voir les policiers de la brigade se détendre en boîte après une affaire résolue, ne permettant à Maïwenn qu'un exercice de style narcissique où elle filme le premier rapprochement physique de son personnage avec Fred (JoeyStarr).
Alors que retenir ? Tout n'est pas à jeter certes. Même si parfois on n'aurait préféré ne pas les entendre par rapport au sujet du film, les dialogues se révèlent assez savoureux et croustillants déclenchant plus d'un rire au cours du film. Ces dialogues sont magnifiquement servis par des acteurs crédibles et très bons : JoeyStarr, dont on a pu blâmer le rôle et l'orientation donnés par Maïwenn, n'en reste pas moins très bon et une agréable surprise. Cependant, Maïwenn passe largement à côté de son sujet, flirtant avec une certaine naïveté par moments et surtout tombant dans le piège des clichés qu'elle multiplie sans s'en rendre compte. La dernière scène mettant en parallèle le suicide d'un membre de la brigade et le bonheur d'un enfant qui peut à nouveau faire librement de la gymnastique (son précédent professeur de gym était un pédophile) n'apporte rien, semble dénué d'intérêt et même reste incompréhensible. Le final vient clore un film qui passe à côté d'à peu près tout. Dommage.