Main sur la bouche pour contenir mon effroi, yeux grands ouverts de terreur : bref, j'ai regardé Polytechnique de Denis Villeneuve, un réalisateur dont j'ai vu et aimé tous les films et qui n'a cessé de me surprendre à chaque fois.
Ici, il a choisi de revenir sur un drame, celui d'un tireur fou, qui avait ouvert le feu dans les locaux de Polytechnique à Montréal en 1989, ciblant, selon une "logique" misogyne et anti-féministe, une majorité de femmes. On y suit, à rebours et en parallèle, le parcours du tueur et de deux étudiants, un garçon et une fille, avant et après la tuerie.
Le choix du noir et blanc a été conditionné, selon Villeneuve, par son souci de ne pas faire apparaître trop de sang à l'écran - et d'hémoglobine, ce film ne manque pas. Non par voyeurisme ou sensationnalisme, mais bien par souci de réalisme, pour être au plus près du vécu, ne rien cacher de la haine et de ses conséquences.
J'ai rarement été aussi choquée par la violence d'un film, tout en étant hypnotisée par la beauté de la photographie, l'esthétique globale de l'oeuvre, cette neige partout, ces plans renversés (mention spéciale à celui de la fin, d'une grâce absolue), ces personnages magnifiés, ces zooms à l'intensité émotionnelle surpuissante...
De l'horreur de ce terrible faits divers, Denis Villeneuve parvient à faire jaillir la beauté, la poésie, la profondeur intellectuelle - comme souvent dans ses films.
Pour tout cela, un grand bravo et un grand merci !