Avec Portrait de la jeune fille en feu, Céline Sciamma signe certes un beau film, mais un film qui agace par ses défauts et sa tendance à la superficialité. On ne se cachera pas que la réalisation est sublime, que chaque plan est comme un nouveau tableau vivant dont les personnages sont données à voir dans leur beauté picturale. On ne peut le nier, le film est un chef-d'oeuvre d'esthétisme.
Mais tout en étant la plus grande qualité du film, cette esthétisation n'est pourtant pas suffisante pour maquiller ses plus grands défauts. Le premier étant ce décalage gênant entre une volonté d'ancrer cette relation par ailleurs si belle dans un temps qui dispose de ses propres codes, de sa propre historicité, et dont le traitement exige donc une certaine maîtrise du genre auquel appartient le film d'époque, et le choix d'une narration qui nous paraît totalement anachronique. Car cette maîtrise, Sciamma ne l'a pas, et les deux protagonistes ne paraissent finalement que comme deux femmes contemporaines qui auraient remonté le temps jusqu'au XVIIIè siècle pour y vivre leur histoire d'amour. Peinant à "faire XVIIIè", Sciamma se rattrape donc là où elle le peut : des échanges qui se veulent imiter Racine mais qui sonnent faux dans la bouche d'une Haenel qui manque terriblement de crédibilité. Son jeu perd en qualité, et l'on soupire de gêne face à la naïveté de certains dialogues. Finalement, Sciamma ne dépasse jamais le "comme si", la pâle imitation qui nous fait regretter de ne pas avoir vu la même intrigue, les mêmes enjeux féministes qui rendent ce film si important, mais à une époque qui convient mieux à Sciamma : la nôtre.
Occupé à tenter de répondre à toutes les attentes que l'intrigue suscite, et peinant à le faire, le film en vient à oublier le potentiel de sa trame principale : la tâche secrète qu'une femme cache à une autre, l'amour secret que deux femmes cachent à la société, finalement cette tension entre une clandestinité privée et les attentes de l'opinion publique. Tout ce potentiel qui aurait exigé un traitement bien plus subtil est laminé au profit de lignes narratives bien plus évidentes et attendues qui laissent spectateurs et spectatrices sur leur faim.