Cette critique ne va pas être aimée par tous, mais ne dit-on pas que tous les goûts sont dans la nature ? Pour ma part, j'ai trouvé ce film profondément ennuyeux, corseté qu'il est dans un carcan formaliste bien trop serré. Formalisme se voulant allusif de la condition féminine ? Peut-être. Qui sait, le dessein de la réalisatrice pourrait être que forme et fond se soient rejoints jusqu'à fusionner. Mais en l'occurrence, il me semble que la forme a plutôt bridé le fond qu'autre chose.
Ajoutons à cela que la prétention esthétisante, au sens bourgeois de l'épithète, du film m'a profondément agacé : la recherche de l'effet "toile de maitre de la renaissance" sur quasiment chaque plan d'intérieur m'a laissé de marbre. Tout simplement peut-être parce que je n'ai pas les références suffisantes pour avoir pu l'apprécier. Et la façon dont les deux protagonistes principales sont coiffées, de manière à durcir leurs traits, en a rajouté une bonne couche s'agissant de cette surdose de formalisme déjà évoquée plus haut. Enfin que dire du mythe d'Orphée, convoqué ici pour d'obscures raisons, si ce n'est peut-être pour donner au spectateur le sentiment d'avoir une solide culture classique (là, je suis peut-être un peu persifleur).
Réplique d'Adèle (5 mots). Silence de trois secondes. Réplique de Noémie (5 mots). Nouveau silence de trois secondes. Réplique d'Adèle (5 mots). etc. etc. Interminables dialogues avec gros plans sur les visages des actrices, qui, malgré tout et c'est un minimum quand on bénéficie d'une telle promo, jouent quand même plutôt bien. Autant dire que c'est très lent, d'autant qu'interviennent fréquemment des plans sur la main de l'artiste qui peint ou dessine sur une toile ou sur un vélin. Et c'est la plupart du temps comme ça, même si certaines scènes amènent des intermèdes bienvenus. Le tout avec des dialogues d'un dépouillement digne d'une végétation subsaharienne. Le film ne s'emballera ainsi jamais véritablement, et si, dans la scène finale, Adèle pleure à chaudes larmes, l'oeil du spectateur (le mien, quoi), lui, reste complétement sec.
Et c'est avec regret que j'ai écrit tout ce qui précède, car le film comporte quelques bonnes idées, disposant en cela du matériau brut qui aurait pu en faire un superbe manifeste féministe. Le fait par exemple que n'y apparaissent quasiment que des femmes, le mâle étant réduit au simple rôle de rameur (sur le Styx, sans doute^^). Le sujet de l'avortement, bien traité car replacé dans une perspective sociale. La très belle scène autour du feu, avec ce chant hypnotique. Les visions fantastiques de Marianne. Voire le romantisme océanique façon Chateaubriand, mais il aurait toutefois fallu pour le mettre en valeur que l'ensemble arrive à s'emballer un peu. Je n'ai hélas jamais perçu un tel emballement : un film, en fait, qui manque de vie, tout simplement.