En quelques lignes
En 1770, en France, Marianne est introduite comme dame de compagnie auprès d’Héloïse, tout juste sortie du couvent et promise à une union qu’elle refuse, pour peindre en secret son portrait de mariage. Peu à peu, les deux femmes vont se rapprocher.
En un peu plus
On lit souvent que Portrait de la jeune fille en feu est un film féministe. Il l’est certainement à plus d’un titre, du moins si l’on s’y intéresse en termes de production culturelle : réalisé par Céline Sciamma, co-fondatrice du collectif 50/50 qui promeut l’égalité des femmes et des hommes dans les milieux du cinéma et de l’audio-visuel, composé d’une équipe technique et d’une distribution majoritairement féminine au sein de laquelle figure Adèle Haenel, actrice célèbre pour son engagement hors plateaux et ses dénonciations dans le cadre du mouvement #metoo qui l’ont conduite à se retirer définitivement du monde du cinéma, traitant de la condition des femmes aux dix-huitième siècle, Portrait de la jeune fille en feu porte en effet dans sa fabrication même la trace d’une remise en question salutaire de la domination masculine dans le milieu de la création.
Seulement, résumer l’œuvre à ces faits serait, ainsi que le regrette Adèle Haenel à juste titre, la réduire à un tract, et négliger ce qu’elle est peut-être avant tout selon l’actrice : une œuvre féministe au sens romanesque du terme, qui transcende la parole politique en ne faisant jamais l’impasse sur le désir de fiction. Portrait de la jeune fille en feu invente en effet une histoire qu’il est encore et toujours nécessaire de rêver pour pouvoir en inscrire les enjeux dans les imaginaires collectifs et ouvrir la possibilité d’une identification à d’autres façons d’exister : celle d’un amour entre deux femmes et de leur refus du corsetage social dans lequel elles sont enserrées, celle d’un monde où les muses divinisées et le male gaze sont remplacés par un regard féminin proposant des nouveaux imaginaires érotiques, celle d’un art, celui de peindre, dans le cadre duquel les femmes se réapproprient non seulement leur condition de sujet, mais aussi d’objet – de désir, de création.
Céline Sciamma, on l’aura compris, ne se contente pas de réussir le fameux test de Bechdel (dans un film, une femme parle à une autre femme d’autre chose que d’un homme) dont la validation pourrait ne constituer qu’un faire-valoir, mais renverse la perspective en posant comme donnée initiale un regard libéré des hommes, non parce que ceux-ci ne sont pas intéressants, mais parce que celles qui intéressent, ici, ce sont les femmes. Il se trouve que ce regard, en plus d’ouvrir la perspective d’un monde moins inégalitaire, dans et hors production artistique, donne lieu à une œuvre d’une beauté sidérante qui nous dit que le cinéma a aussi quelque chose à voir avec la peinture, qu’il est affaire de cadres, de lumières, de poses et que ces poses, lumières et cadres, lorsqu’ils sont amoureusement travaillés, peuvent être portés à incandescence.
Et en quelques images...
Lien vers la bande-annonce alternative.